PARIS
Avec « Musées en Seine », la Foire internationale d’art contemporain mise sur le rayonnement de la capitale parisienne, berceau de l’art moderne, tout autant que sur l’attractivité des galeries internationales exposantes, pour séduire un large public. Suivez le guide !
La barre est très haute pour la Fiac, désormais dans le trio mondial des meilleures foires d’art contemporain avec Art Basel en Suisse et Frieze à Londres. Alors sa directrice générale Jennifer Flay, se sent des responsabilités : pas seulement celle « d’assurer des transactions de haut niveau au plus grand nombre de galeries d’art présentes », mais aussi celle de « promouvoir la vitalité de la scène française ». « La Fiac est tellement puissante aujourd’hui, tellement reconnue à l’étranger, qu’elle est un instrument de réévaluation du poids de la France sur le marché de l’art », estime celle qui a elle-même tenu une galerie dans le passé.
La place accrue de l’art moderne
Mais Jennifer Flay a aussi compris que si la Fiac compte pour Paris, Paname apporte elle-même beaucoup à la foire. « La place de Paris, c’est très porteur. Bâle n’aura jamais les berges de la Seine et tous ces monuments riverains. » De cet atout maître, la Fiac use et abuse cette année. Premièrement, en accueillant davantage de galeries d’art moderne, puisque « Paris est le berceau du modernisme », souligne la directrice. Un avis partagé par la conseillère en art Laurence Dreyfus : « L’art moderne devient classique et on vient aussi à Paris – ville à l’esthétique romantique – pour cela. Les gros collectionneurs se rendent donc également à la Fiac pour y trouver des chefs-d’œuvre d’art moderne, et la foire a des positions à prendre encore sur ce terrain, alors même que l’art contemporain est devenu en moins de dix ans un produit de consommation. » Avec une foire par semaine dans le monde, les galeries mettent la pression aux ateliers d’artistes contemporains qui tournent à plein régime pour fournir les grands marchands, estime-t-elle. « Ce n’est pas possible de sortir autant de belles pièces, on est dans le produit de consommation de luxe et d’ultra-luxe. Les acheteurs avertis, eux, veulent du solide, du patrimonial, qui les rassure. »
Tournée vers l’extérieur
Deuxième façon d’exploiter l’atout parisien pour la Fiac : valoriser l’écrin exceptionnel qu’elle a désormais fait sien, le Grand Palais. Pour cette édition, il y a moins de galeries mais installées sur des espaces plus vastes (173 stands au lieu de 191 l’an dernier), histoire de dérouler le tapis rouge aux poids lourds du secteur comme Marianne Goodman ou Gagosian, un peu chagrins les années précédentes d’être moins au large que dans d’autres foires. Une stratégie qui n’est évidemment pas du goût de toutes les galeries, à l’instar de Praz-Delavallade ou de Claudine Papillon, des enseignes pourtant reconnues. D’autres ne postulent même pas, estimant ne pas représenter d’artistes suffisamment « dans l’air du temps », comme Alain Margaron. « Mes prix ne sont pas assez chers et mes artistes pas assez reconnus par le marché, à l’exception de Fred Deux [disparu le 9 septembre, ndlr]. Et puis la Fiac se veut très internationale, peut-être la plus internationale de toutes les foires, ce en quoi elle n’a pas forcément tort », souligne-t-il. Mondialisation oblige, les trois quarts des exposants sont étrangers et si la coloration reste très européenne, les pays émergents ne sont pas oubliés telle la Colombie. À l’instar du Centre Pompidou ou du Palais de Tokyo qui, dans leurs accrochages, ont déplacé le curseur vers les nouvelles économies fortes et en particulier vers l’Asie.
Officielle
Toujours dans cette volonté de s’approprier les attraits de la capitale, la foire étoffe encore son parcours hors les murs avec son concept de Musées en Seine. De la Bibliothèque nationale de France, avec son exposition « Anselm Kiefer, l’alchimie du livre », jusqu’à Radio France et son programme d’œuvres sonores, tous les grands sites culturels sont de la fête : le tout nouveau Musée de l’homme qui rouvre pour l’occasion avec un focus sur Pascale Marthine Tayou, la Cité de l’architecture, le Palais de Tokyo, le Musée d’art moderne de la Ville, le Quai Branly, le Petit Palais, l’Orangerie, Orsay, le Louvre, les Arts déco, la Monnaie de Paris, l’Institut du monde arabe, le Muséum d’histoire naturelle… S’y adjoignent des lieux privés comme le Mona Bismarck American Center ou la Maison rouge.
Enfin, bien sûr, la Fiac décline pour la seconde année sa foire bis « Officielle » aux Docks, Cité de la mode et du design. Comme l’an passé certaines galeries reconnues s’étaient plaintes de la plus faible affluence observée par rapport au Grand Palais, malgré des prix de stands élevés, le positionnement est cette fois-ci plus clairement celui d’« une foire de découverte, avec 60 galeries issues de 13 pays, des galeries plutôt jeunes, mais pas que », dixit Jennifer Flay. Alors certes, il n’y a encore pas assez de place pour tous les professionnels qui voudraient y figurer, notamment d’excellents marchands français de taille moyenne, mais « cette frustration génère une recherche de l’excellence pour la prochaine fois très stimulante », estime la grande prêtresse de la Fiac.
Une cartographie enrichie
C’est ainsi toute une cartographie de l’art qui se dessine à Paris. Certaines des liaisons en bateau-bus sur la Seine, mises en place l’an passé d’un lieu à l’autre, sont même devenues pérennes. Avec ses 78 000 visiteurs plutôt « haut de gamme » – le plein tarif est à 40 euros contre 15 euros pour le Louvre ou 14 euros pour le Centre Pompidou –, la foire est un label très recherché. En témoigne la diversité des opérations de qualité qui se greffent sur « l’effet Fiac », tels le centre commercial Beaugrenelle ou les Puces de Saint-Ouen qui accueilleront des œuvres, ou les expositions-ventes « Chambres à part » de Laurence Dreyfus et « Private Choice » de Nadia Candet. Et comme la Fiac a besoin de créer l’événement année après année, divers lieux à l’intérêt architectural évident figureront également au programme, avec toujours la Fondation Vuitton de Frank Gehry, mais aussi la Fondation Galeries Lafayette de Rem Koolhaas, la Fondation Seydoux agrandie par Renzo Piano, la Philharmonie de Jean Nouvel, ou encore, dans l’est parisien, le château de Rentilly réhabillé par Xavier Veilhan.
Avec cette ébullition, la Fiac fera-t-elle mieux cette année que la Biennale de Venise ou Art Basel, dont la fréquentation est apparue plutôt en retrait ? Un phénomène que Laurence Dreyfus attribue notamment à la concurrence de plus en plus vive des maisons de vente et leurs services sur le second mais aussi sur le premier marché. Ces acteurs savent créer l’événement toute l’année pour fidéliser leurs clients. Ce n’est pas un hasard si le groupe Reed Expositions France, organisateur de la Fiac et de Paris Photo [partenaire maintenant de la Biennale des antiquaires, ndlr], vient de renforcer sa division art et culture en recrutant Laurence Paul Keller. La nouvelle directrice de ce pôle vient du luxe – elle a travaillé pour Hermès, Clarins, Lalique, les Parfums Dior, L’Oréal – et affiche 20 ans d’expérience en marketing international. Des atouts de taille pour attirer à la Fiac encore davantage de VIP étrangers, mais aussi pour décliner la foire sur d’autres continents et renforcer ainsi sa notoriété, aux États-Unis dans un premier temps, et peut-être en Asie dans un second.
Fiac
du 22 au 25 octobre. Nef du Grand Palais. Ouvert de 12 h à 20 h. Nocturne le vendredi jusqu’à 21 h. Tarifs : 40, 35 et 20 €. www.fiac.com
Hors-les-murs
Jardin des Tuileries, jusqu’à novembre. Ouvert tous les jours de 7 h 30 à 19 h.
Jardin des Plantes, jusqu’à novembre. Ouvert tous les jours de 10 h à 17 h.
Place Vendôme et berges de Seine. Tous les jours, jusqu’en novembre.
23
C’est le nombre de pays représentés cette année à la Fiac. 68 % des galeries sont européennes (contre 65 % en 2014).
2 200 000 €
C’est le prix de vente de Sans titre (S78-1) de Gerhard Richter, l’an passé, sur le stand de la galerie Van De Weghe (New York). En 2014, d’autres ventes ont dépassé le million d’euros, notamment Untitled de Christopher Wool (entre 2 300 000 et 2 800 000 € chez Simon Lee) et une œuvre d’Anish Kapoor (1 100 000 € chez Lisson).
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : La Fiac - Demandez le programme