L’année 2050, qui constitue l’horizon de la présente chronique, est aussi l’échéance fixée aux États pour réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre, faute de quoi la Terre pourrait bien devenir inhabitable.
Dans ces conditions, envisager la manière dont les artistes s’engagent aujourd’hui dans la lutte contre le changement climatique revient moins à cerner ce que pourrait être
la création au mitan du siècle qu’à en interroger les conditions mêmes de possibilité – les rapports scientifiques sur la question étant si lourds d’alarmes qu’ils font douter de la pérennité du contexte civilisationnel dans lequel s’épanouit l’art contemporain.
Mais que peuvent les artistes face à un enjeu si colossal qu’il donne généralement lieu à toutes les déclinaisons du déni ? En ce domaine, la 21e conférence des parties (COP21) qui doit se tenir
du 30 novembre au 11 décembre prochain à Paris s’annonce comme un laboratoire de la résistance culturelle. Alors que l’époque se défie de l’art politique, une fronde allant des sphères « artivistes » à l’art immersif et participatif semble prête à donner de la voix et à mobiliser les ressources de la création (et tout particulièrement sa capacité de fédération et de séduction) pour porter la question du dérèglement climatique sur le devant de la scène. Avant même le coup d’envoi d’un sommet dont on doute déjà qu’il débouche sur la signature par les participants d’un accord contraignant, créateurs de toutes disciplines, collectifs, associations et même écoles d’art multiplient les initiatives pour alerter l’opinion et inciter les États à agir enfin.
Le premier acte de cette mobilisation s’est joué fin mai aux Amandiers à Nanterre, où le master SPEAP de Sciences Po, dédié au croisement des arts et des sciences politiques, organisait pendant six jours un Théâtre des négociations, « Make it work », avec deux cents étudiants du monde entier. L’enjeu de cette simulation : porter au débat les moyens propres aux sciences sociales, mais aussi au cinéma, au théâtre ou aux arts plastiques, jouer l’écart par rapport au protocole habituel des conférences internationales pour expérimenter d’autres manières d’aborder les enjeux climatiques. Placées sous la houlette du metteur en scène Philippe Quesne et scénographiées par le collectif architectural allemand RaumLabor, les six journées de « Make it work » ajoutaient ainsi au cadre des débats et négociations un ensemble de dispositifs inattendus : fanzine, programme immersif de films (« ciné-stase »), radio « parasite », etc.
Dans la foulée de l’événement, les associations Coal et Cape Farewell, deux figures majeures de l’engagement artistique dans la lutte contre le dérèglement climatique, s’associent pour « engager » et « mobiliser » à l’approche de la COP. Parmi les actions imaginées, des installations artistiques et participatives en espace public (les 11 et 12 juillet dernier, un festival s’est ainsi tenu sur les berges de Seine pour lancer l’événement), mais aussi une conférence publique des parties créatives visant à « réunir de grands artistes pour rédiger «le manifeste de la culture de demain », un agenda culturel et, bien sûr, une édition du prix Coal spécialement dédiée au sommet parisien…
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La bataille de Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : La bataille de Paris