Une exposition pourrait-elle se lire comme l’autoportrait de son commissaire ? « Formes biographiques » programmée à Nîmes est une nouvelle version, plus contemporaine, de « Formas biograficas » présentée en 2013 au Musée Reina Sofia de Madrid par Jean-François Chevrier.
Historien de l’art, professeur à l’École des beaux-arts de Paris depuis une vingtaine d’années, critique intransigeant, il a développé sa pensée dans le champ de la photographie à partir de Walker Evans jusqu’à Jeff Wall, tout en gardant un œil acéré sur la production contemporaine. Au Carré d’art, il occupe le dernier étage avec sa vision de l’usage de la biographie dans l’art et des formes qu’elle peut générer. Le sujet est passionnant, car, depuis Vasari au XVIe siècle, l’approche de l’œuvre par la biographie est un grand classique. Le XXe siècle en a usé aussi, ses artistes manipulant à l’envi les paramètres de leur état civil, s’inventant une vie pour d’autres. Chevrier a choisi les artistes qui le passionnent, ceux aussi qui ont suivi ses enseignements, pour établir sa prospection. Il en résulte parfois un certain classicisme avec Marcel Broodthaers, Robert Filliou ou Thomas Schütte et à d’autres moments des découvertes. De plus, il s’est refusé à justement faire médiation des paramètres biographiques, d’où cette possible impression de flottement pour le visiteur, tant il ne se fait pas raconter d’histoire. Car Chevrier déjoue l’alliance du biographique et du récit, et privilégie une progression par l’ellipse, avec des choix d’œuvres comme cette image en contre-jour que Claire Tenu a réalisée dans une chambre d’hôpital. Fin de vie, lieux de naissance, espaces traversés, la biographie est souvent géographique, un enracinement qui alimente ce voyage intellectuel de haute voltige et exigeant. Ainsi le film de Laure Bréaud, Au bout du petit matin (Contes créoles I), dévoile-t-il l’activité brutale d’un haras antillais. Et l’auteur de l’exposition de conclure ainsi sa vision dans la violence du souvenir colonial et de l’esclavage des espèces dans une salle qui recèle les dessins d’enfant et des marionnettes de Peter Friedl. Petites et grandes histoires finissent alors intimement liées, autant que celles de Jean-François Chevrier, que l’on devine en filigrane de celles travaillées par les artistes.
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Comme un autoportrait
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Abonnez-vous dès 1 €Carré d’art, place de la Maison-Carrée, Nîmes (30), www.carreartmusee.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°682 du 1 septembre 2015, avec le titre suivant : Comme un autoportrait