À ceux qui prennent les artistes pour de doux illuminés, la passionnante exposition de la Shirn Kunsthalle devrait plaire. « Artistes et prophètes » dresse une généalogie d’artistes qui va, en remontant le temps, d’Immendorf et Beuys à un certain Karl Wilhelm Diefenbach (1851-1913).
Ce nom ne vous dit rien ? C’est normal, car, comme l’indique le sous-titre de l’exposition, il s’agit d’« Une histoire secrète de la modernité 1872-1972 ». Secrète, sauf pour les artistes auprès de qui ce « prophète » eut de l’influence, et ils sont nombreux, comme le révèle, preuves à l’appui, l’accrochage francfortois. En 1885, Diefenbach fonde sa communauté à Höllriegelskreuth en Allemagne. Cet « apôtre du chou-rave », comme on le moque alors, soit un barbu naturiste adepte de l’amour libre, est aussi un peintre, pas mauvais d’ailleurs. La frise de plusieurs mètres de long qui ouvre l’exposition, processions d’elfes et d’animaux mythologiques intitulée Per Aspera Ad Astra (1892), qui signifie « Par des sentiers ardus jusqu’aux étoiles », tiendrait facilement la comparaison avec les silhouettes de Kara Walker. Diefenbach amène dans sa communauté des artistes, certains peu connus, comme Fidus que l’on découvre dans l’exposition, lui aussi mi-artiste mi-prophète, et d’autres qui feront l’histoire de la modernité, comme Kupka, dont la peinture abstraite fut influencée par Diefenbach. Si Kupka ne mit pas longtemps à prendre de la distance avec Diefenbach, il partagea néanmoins ses idées avec le galeriste Arthur Roessler, qui les partagea à son tour avec Egon Schiele, à Vienne . Et ainsi de suite jusqu’à Hundertwasser. Un autre prophète allemand, Gustav Nagel (1874-1952), féru de photographie et de lui-même – il fit réaliser des dizaines de cartes postales « promotionnelles » à son image –, influença de son côté Johannes Baader, qui devait se faire remarquer au sein du mouvement Dada pour ses collages et ses performances ! Le parcours, scindé en de petits espaces consacrés chaque fois à un artiste – ou à un prophète – fait ainsi prendre conscience de la propagation des idées de Diefenbach et de Nagel auprès des artistes européens – notamment allemands – du XXe siècle. Beuys lui-même ne cacha pas ce qu’il leur devait. C’était dans les années 1960, au moment où d’autres « illuminés » portaient les cheveux longs et les pantalons à pattes d’éléphant…
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Une histoire de l’art "illuminé"
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Abonnez-vous dès 1 €Shirn Kunsthalle, Römerberg, Francfort-sur-le-Main (Allemagne), www.schirn.de
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : Une histoire de l’art "illuminé"