Christian Boltanski, montreur d’ombres

Cet installateur, hanté par la mort, la mémoire et l’oubli, est déjà présent dans les collections permanentes via sa spectaculaire installation Les Registres du Grand-Hornu (1997) qui, en accumulant une série de boîtes métalliques combinées à des portraits photographiques en noir et blanc, rend hommage de manière poignante aux travailleurs de cet ancien site minier. À la limite, cette œuvre, qui fait partie du parcours et se trouve installée dans l’ancien magasin aux foins du Grand-Hornu, pourrait se suffire à elle-même tant elle est puissante parce que funèbre et riche de sens. En égrenant les noms des mineurs du Grand-Hornu, l’artiste archiviste, à la fois ethnologue et fétichiste, lutte contre l’oubli en célébrant ces travailleurs de l’ombre. « On constate d’ailleurs que les sociétés totalitaires ou pénitentiaires s’emploient le plus souvent à supprimer les noms des gens pour les remplacer par des numéros », précise à ce propos Boltanski. Avec lui, l’humain est donc remis au centre de l’art. En ce sens, c’est un artiste qui compte, incontournable même. Pour autant, face à une pièce aussi monumentale, le musée croit bon de lui associer pour jouer le jeu de la rétrospective une succession d’installations qui, en reprenant les matériaux chers au magicien (ampoules, photos délavées, voiles transparents, vieux vêtements, battements de cœur), ne manquent certes pas d’intérêt mais qui, à côté des inoubliables Registres du Grand-Hornu, prennent le risque d’apparaître secondaires…