Quand la peinture chinoise s’éveillera...

En réhabilitant l’École de Lingnan née, à l’aube du XXe siècle, au Guangdong (l’actuelle région de Canton), le Musée Cernuschi tente un audacieux pari. Ce mouvement fut, en effet, longtemps dénigré par les critiques d’art qui lui reprochaient son ancrage trop régional et sa position inconfortable d’intermédiaire entre la tradition et l’avènement des grands maîtres de la modernité. Fruit d’une collaboration étroite tissée avec le Musée d’art de Hong Kong, l’exposition de Cernuschi réserve toutefois de stimulantes surprises. S’il peine à saisir les multiples nuances de ces immuables peintures de fleurs, de plantes, d’insectes et d’oiseaux, l’œil occidental sera plus volontiers happé par ces scènes animalières d’une rare sensibilité, sur lesquelles souffle encore le souvenir de l’esthétique japonaise. Mais la plus grande surprise vient de ce courant de peinture « historique », qui décrit avec réalisme la violence des conflits de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945). Premier artiste chinois à avoir osé représenter sur ses toiles des avions et des tanks, Gao Jianfu (1879-1951) est la grande découverte de cette exposition. L’une de ses œuvres les plus saisissantes montre ainsi quatre crânes posés à même le sol, qui dénoncent avec crudité la dureté des temps, leur macabre absurdité.