« Il y a un objet dont je ne peux pas me passer : il s’agit de ma barrette pour retenir mes longs cheveux. Elle m’est indispensable pour travailler. J’en possède deux au cas où je ne trouve pas la première. Il faut toujours que je puisse en avoir une sous la main », explique Nina Childress qui précise : « Je ne peux pas peindre sans attacher mes cheveux à l’arrière de ma tête, aucune mèche ne devant dépasser. S’il faut, je rajoute d’autres petites barrettes sur les côtés. Après quoi, je peux me concentrer. »
Encore faut-il que la barrette soit de bonne qualité. Pas évident, selon l’artiste : les barrettes solides, capables de retenir une lourde masse de cheveux, se font rares. Plus qu’un objet pratique, la barrette prend, chez Childress, une dimension symbolique : « Dans la vie, je porte les cheveux détachés pendant les loisirs, comme signe de détente, alors que les cheveux attachés accompagnent mes actions. » Certes pratique, la barrette sur laquelle l’artiste porte son dévolu est noire et rectangulaire, sans chichi ni fioriture : « Je déteste porter des bijoux ! », s’exclame-t-elle. Elle mentionne aussitôt l’une de ses sculptures intitulée La Barre noire : « De barrette on passe à barre », dit l’artiste amusée, avant d’expliquer : « Cette sculpture ressemble à un monolithe. Elle me fait penser à la forme noire et mystérieuse qui traverse le film de Stanley Kubrick 2001 l’Odyssée de l’espace. Et, bien évidemment, elle me renvoie au Carré noir sur fond noir de Malevitch. » En fait, ce parallélépipède opaque que Childress met en scène entouré de quelques-unes de ses toiles pourrait faire penser à un cercueil. Elle introduit une dramaturgie brutale face à des peintures figuratives quasi hyperréalistes, aux couleurs grinçantes, et déclinant portraits de stars de cinéma, héroïnes de romans-photos, scènes inspirées du répertoire lyrique ou faits divers. Des images sorties des films de série B, des cartes postales ou des livres anciens, longuement collectées, recadrées et agrandies, auxquelles, à coups de couleurs fluo ou de factures variées l’artiste confère une dimension plus irréelle encore, soulignant leur aspect stéréotypé. Princesses ou femmes fatales étalent leur magnifique chevelure. Pour l’anecdote, Nina Childress confie aimer couper les cheveux : « J’aurais adoré être coiffeuse, j’adore la texture des cheveux. » Dans son œuvre, ils occupent d’ailleurs une place de choix. Notons, entre autres, la série Hair Pieces, portraits sans visage montrant seulement des postiches et perruques entourant un vide, et Red Hair mettant en valeur une splendide crinière rousse. Des tignasses qui tournent à l’obsession ? « Quand j’étais enfant, j’étais frustrée. Je n’avais pas le droit d’avoir une poupée Barbie dont j’adorais la longue chevelure blonde, et ma mère me faisait régulièrement couper les cheveux. Plus tard, quand je suis devenue punk, je me suis déchaînée en me teignant de toutes les couleurs possibles, bleu, rouge, vert, façon panthère, façon tigre ! » Aujourd’hui, l’artiste a retrouvé sa couleur naturelle : elle porte les cheveux longs et châtains. Thème récurrent : l’opéra et ses divas divines. Elle a notamment peint le personnage de Mélissande au moment où celle-ci chante de sa fenêtre, la tête penchée au-dessus du vide et toute chevelure dehors : « Mes longs cheveux qui tombent de la tour ! » « Dans mes dernières peintures, ajoute Nina Childress, j’ai peint des nudistes, inspirées d’un film très lent, très ennuyeux, où l’on voit des baigneuses aux formes généreuses. D’un film à l’autre, on repère les mêmes actrices. Pour qu’on ne puisse pas les reconnaître, elles portent des perruques différentes, très bon marché, donc très visibles. » Les cheveux ? Le double de soi-même ? Du postiche à la posture ?
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La barrette de Nina Childress
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« Tableaux, conversation sur la peinture »
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : La barrette de Nina Childress