Lors de son passage au Centre Pompidou en janvier, Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013) d’Eszter Salamon nous avait laissés sans voix.
Entre deux applaudissements, le corps tentait d’accuser le coup, frappé de plein fouet par une charge chorégraphique oscillant entre fureurs martiales et berceuse endeuillée. Une pièce dont le matériau ethnologique – des danses guerrières, tribales, glanées autour du monde par la chorégraphe hongroise – avait pris sur scène la fulgurance d’une vision. Créatures râlantes, zombies vigoureux comme la mort, estropiés hantant des champs de batailles effacés de la carte, clowns tristes conquérants l’espace de leurs bras immenses ou esprits en transe possédant l’autre du bassin… Constitué d’un ready-made de gestes réincorporés, Monument 0 échappe à l’archéologique. Univers sans territoire ni espace-temps, dépaysé par un décor inexistant et des costumes fantomatiques (de Vava Dudu) empruntant à l’imagerie pop. Corps-squelettes roulés dans la cendre et visages peinturlurés façon Thriller. Les six interprètes (époustouflants) jaillissent d’une obscurité qui abolit les repères et les exotismes. On ne sait pas d’où viennent ces gestes ni ce qu’ils représentent. Peu importe qu’on danse pour préparer le corps au combat, fêter la victoire ou pleurer les morts, au Brésil ou sur une île du Pacifique. Monument 0 fonctionne comme une abstraction dans laquelle s’engouffre l’imaginaire, tout en contenant, sous une forme essentielle, les temps et les histoires qui l’ont généré.
Les revenants se font plus nombreux, bruyants à en réveiller les morts. Les frappes des mains déchirent l’espace. La pièce avait commencé sur une apparition solitaire venant du fond des âges, géant à collerette blanche – de celle qu’on portait au temps de Christophe Colomb. Elle s’achève sur l’affirmation d’un groupe imposant son énergie, son actualité. L’histoire nous regarde en face. Un guédé (divinité vaudou de la mort) s’engage dans une danse macabre au milieu d’un cimetière de dates. Rien de nouveau sous le soleil, semble-t-il nous dire, interpellant de sa vitalité nos vanités individuelles et nos responsabilités collectives.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les danses macabres d’Eszter Salamon
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Quoi ?
Eszter Salamon, Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013)
Quand ?
Aux mois de juin et juillet
Où ?
Festival Latitudes contemporaines, Maison Folie Wazemmes (Lille),
le 3 juin. Et 69e Festival d’Avignon, Cour du lycée Saint-Joseph, du 15 au 22 juillet 2015.
Quoi ?
Eszter Salamon, Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013)
Quand ?
Aux mois de juin et juillet
Où ?
Festival Latitudes contemporaines, Maison Folie Wazemmes (Lille),
le 3 juin. Et 69e Festival d’Avignon, Cour du lycée Saint-Joseph, du 15 au 22 juillet 2015.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : Les danses macabres d’Eszter Salamon