Dans une société vouée à la surabondance informationnelle, l’attention du public est une ressource rare que médias, publicitaires, réseaux sociaux et autres acteurs du Web s’emploient à capter pour leur profit.
Cette « économie de l’attention » (pour reprendre le titre d’un ouvrage collectif paru en 2014 sous la direction d’Yves Citton aux éditions La Découverte) reconfigure nécessairement les pratiques culturelles, au sens large du terme : qu’il s’agisse de « vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola », comme le fait TF1, ou de produire des contenus pour les visiteurs d’un musée, elle invite à revoir la façon dont se conçoit et se diffuse la création pour mieux l’accorder aux habitus d’un public façonné par la culture du flux. C’est dans ce contexte que se meut Displays. Né dans le cadre de l’Ensad/EnsadLab en collaboration avec le Labex ICCA et l’université Paris 3, ce projet émergent vise la création dès la rentrée 2015 d’un programme doctoral de recherche-création croisant muséographie et curatoriat en art contemporain, dont la vocation sera de « questionner et expérimenter le devenir des formes d’exposition dans le contexte des cultures numériques ». En guise de préfiguration à ce futur « living lab », Displays sollicite au gré de tables rondes (les prochaines auront lieu le 29 mai et le 4 juin à l’Ensad) commissaires, artistes, chercheurs et acteurs de la culture autour de trois champs en pleine évolution : celui des objets d’exposition (quoi), celui des publics (qui) et celui des lieux, physiques ou non, où se déploient les pratiques curatoriales (où).
Un tel objectif pourrait laisser croire à une volonté d’intégrer plus encore les technologies numériques aux espaces d’art à grand renfort d’outils interactifs ou d’applications. Il n’en est rien : « Nous cherchons à expérimenter des formes plutôt que des dispositifs », souligne Thierry Fournier, artiste, curateur, enseignant-chercheur et coordinateur du programme avec le critique et enseignant-chercheur J. Emil Sennewald. À rebours d’une vision positiviste qui ferait de l’épate technologique la seule réponse possible à la question de l’attention, Displays revendique une approche critique des champs curatorial et muséographique et s’inspire d’expériences qui bousculent les conventions du genre pour mieux sonder notre relation aux industries culturelles.
C’est, entre autres exemples, le plateau ouvert du Louvre-Lens qui réinvente les modalités de présentation des œuvres, c’est le protocole mis en œuvre par Raphaële Jeune dans Plutôt que rien à la Maison populaire en 2011, et qui invitait quarante-cinq artistes à monter/démonter leurs œuvres dans l’intervalle d’une journée, c’est Ce qui manque à La Panacée, « atelier de curatoriat »
où Thierry Fournier confrontait un groupe d’étudiants à toutes les étapes de création d’une exposition, c’est le Deep Lab, symposium d’artistes, de théoriciens ou de hackers réuni à l’université Carnegie Mellon (Pittsburgh) fin décembre 2014 autour des problématiques des datas et de la surveillance, qui a donné lieu à une publication, une série d’exposés et un documentaire.
Ces expérimentations diverses ont en commun de toucher aux limites (notamment disciplinaires) des formats d’exposition. Dans un monde dominé par la distraction, jouer l’écart pourrait ainsi s’avérer le meilleur moyen d’offrir au public les conditions d’une expérience unique et potentiellement émancipatrice…
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L’exposition à l’épreuve du flux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : L’exposition à l’épreuve du flux