Il étonne par la force de son travail sur le corps et l’émotion qui s’en dégage – une émotion puissante et sobre, échappant à la gravité. À 33 ans, Yoann Bourgeois a compris qu’une virtuosité canalisée pouvait soulever des montagnes de poésie. Il le prouve une fois encore avec Celui qui tombe, sa dernière pièce créée en septembre pour la Biennale de Lyon. Le circassien passé par le Centre national de danse contemporaine d’Angers y recycle un agrès typique du cirque, le rola bola, une planche sur un cylindre, arrachée ici du sol et suspendue dans le vide par des câbles. Plate-forme rectangulaire, parfois arrondie par la lumière ; planète chancelante tiraillée aux quatre coins ou tournant sur elle-même à grande vitesse, elle est habitée par une communauté humaine. Trois femmes, trois hommes en proie au déséquilibre. Ou plutôt tenus à maintenir un équilibre constamment menacé par l’instabilité du support. Endormis, ils glissent comme des ballots de marchandise bercés par la houle d’un cargo. Ramenés à la verticale, les voilà sautillant, évitant les obstacles (du corps de l’autre), compensant par des contrepoids le rapprochement des plus audacieux ou leurs évasions à la marge du plateau. On ne lutte pas, on ne se débat pas, on s’adapte. Et cette adaptation demande une attention de tous les instants. Celui qui tombe est une pièce sur l’écoute. Le groupe s’engage dans une exploration des possibles entre curiosités, prises de risques et étonnements joyeux – à l’occasion d’un porté giratoire par exemple. Une résistance douce, faite de rencontres, de solitudes, d’abandons – jambes dans le vide, mains agrippées au bord. De délestages, de deuils. Certains quittent le navire ; d’autres, enfants sur une balançoire, se soûlent de vertige. Délaissant l’acrobatique (cette quête de la bravoure et de la transcendance), Yoann Bourgeois revient à la précarité première du cirque dans sa relation avec la chute qui touche le jongleur comme le funambule, et par extension allégorique, toute vie humaine. Simple et juste. En tournée en France, de Grenoble (janvier) à Paris (juin).
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Yoann Bourgeois tombe juste
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Abonnez-vous dès 1 €Où et quand ? Du 13 au 17 janvier au MC2 de Grenoble, en mars à Saint-Médard-en-Jalles et Colombes, en avril à Valence et Annecy et en juin au Théâtre de la Ville à Paris.
Comment ? www.cieyoannbourgeois.fr/fr/calendrier/creation/46
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Yoann Bourgeois tombe juste