Qu’on chasse les nuages empâtés de l’automne pour un peu de lumière ! C’est l’île des Impressionnistes, merci de ne pas gâcher la vue.
Lever d’abord le manteau de béton coulé au bord de Seine, peut-être y pousse la peinture au-dessous. Rayer du coin de l’œil la départementale au-dessus du tableau, aussi les carrioles en épis garées sur le trottoir et l’odieuse pâte blanche qui signale sur le sol où rouler, traverser, s’arrêter. Enfin, qu’on donne à ces messieurs, languis sur le pavé, des canotiers pour se cacher des rayons du soleil plutôt qu’une pergola fanée où il fait triste les voir fumer au sec de la bruine grisaille. On les verrait alors, comme Maupassant, naviguer sur le fleuve dans des yoles, les bras nus roulant à grands coups d’avirons sous la chair brûlée ; ou bien posant pour un Renoir, assis sur la terrasse de la maison Fournaise. L’auberge où fut scellé le fameux déjeuner est toujours à Chatou. Ceux qui font le voyage pour un menu du jour se soûlent au diorama des peintres et des poètes mais n’y sont jamais plus que des statues de cire entre la poire et le fromage. Malgré le chemin richement balisé de notes informatives et de pieuses reproductions, si de l’art en ces lieux il subsiste quelque chose, ce n’est pas là qu’on le trouve. Dans le dos de la Fournaise une vaste demeure montée au XVIIIe a pris le nom de son premier pêcheur, dénommé Levanneur. Dans le siècle suivant, la maison grandissante fut occupée par des maçons, des blanchisseurs et des cultivateurs, et devint même dans l’ombre de son concurrent un hôtel restaurant. 1900 sonna rond, et Vlaminck y loua un espace de travail avec Derain, ami, fauve, autochtone ; puis la maison se dégrada sur le même plan que tant d’autres. Qu’allait-on faire de Levanneur, un autre mausolée de la bohème, à quelques pas seulement de l’illustre Fournaise ? Fi de la lumière et des canots, un Centre national édition art image, bien planté dans son temps. Le Cneai=, ici logé depuis dix-sept révolutions, a récemment apporté à l’ancienne maison de belles transformations. Vidée de formes et de couleurs par Bona-Lemercier, elle est tout entière concentrée sur son programme de recherche, sa collection et les expositions. La Seine, de l’art et du design contemporain du moins, n’est pas en reste. Le Centre lui a donné une Maison flottante à son quai amarrée, dessinée par les frères Bouroullec pour y loger des résidents qu’un jour peut-être les visiteurs viendront singer dans un panorama comme on le fait de Monet, Renoir et Maupassant.
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Le Cneai=
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Abonnez-vous dès 1 €Où ? Cneai=, île des Impressionnistes, 2, rue du Bac, Chatou (78).
Quoi ? « Quelle beauté, quel calme, j’ai vu les nuages et, au loin, leur ombre légère. Yuri Gagarin », jusqu’au 29 mars 2015.
Comment ? www.cneai.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Le Cneai=