Suisse - Art moderne

Genève et Riehen (Suisse)

Courbet, la Suisse remet les pendules à l’heure

Musée Rath et Fondation Beyeler, jusqu’au 4 janvier et 18 janvier 2015

Par Bertrand Dumas · L'ŒIL

Le 13 octobre 2014 - 564 mots

L’année Courbet démarre en Suisse avec deux expositions concomitantes, l’une à Genève, l’autre à Riehen, près de Bâle.

La première, de loin la plus intéressante, se focalise sur la production du peintre au cours des quatre années de son exil. Elle a l’ambition première de lever les préjugés négatifs qui entourent encore les œuvres peintes pendant cette période trouble.

La seconde, rétrospective, tente, sans convaincre, d’exposer les aspects les plus novateurs de l’art de Courbet. Contrairement à ce qu’affirmait Zola, le père de l’art moderne n’est pas mort dès son arrivée en Suisse, le 23 juillet 1873. En dépit du procès qui le ruine et de la maladie qui le guette, Courbet, qui a trouvé asile à la Tour-de-Peilz, s’avère plein d’entrain et le cœur à l’ouvrage. En témoignent les nombreux documents d’archives et la soixantaine de tableaux peints en Suisse regroupés pour la première fois au Musée Rath, à Genève.

Au fil d’un parcours à la fois thématique et chronologique, l’exposition genevoise démonte, tour à tour, les arguments des détracteurs des « années suisses » de Courbet. Il aurait eu la « main lourde », dit-on. Certes, Courbet peint tout en pâte, mais la matière de son vertigineux Panorama des Alpes (deux versions, à Cleveland et à Genève), travaillée au couteau, contredit cette critique. Le relief qu’il donne aux massifs des Dents du Midi et du Grammont est, au contraire, inimitable et sans précédent. Autre reproche, Courbet, vieillissant, avait recours à des collaborateurs, or l’étude approfondie des archives révèle qu’en réalité leur présence n’est mentionnée que de manière sporadique. En revanche, le maître, sommé de rembourser sa dette envers l’État français, dut multiplier les vues du château de Chillon, sa meilleure vente. Pour la première fois, une salle entière confronte les différentes versions connues. Elles trahissent des écarts de qualité, mais il semble raisonnable aujourd’hui de les attribuer à la lassitude engendrée par la répétition du motif et à l’importance variable du commanditaire plutôt qu’au concours systématique d’un atelier. Il n’en demeure pas moins qu’il existe quantité de faux « Chillon ». Un essai du catalogue fait le point sur cette question générale de la contrefaçon, qui jeta très tôt la suspicion sur les peintures suisses de Courbet.

Ces malentendus dissipés, l’étape genevoise peut dérouler les plus belles toiles helvétiques du peintre. Des marines, quand il peint le lac Léman, si proche de la mer en Normandie quand Courbet aligne son motif sur l’horizon. Paysages montagnards, quand il peint les Alpes qui le dominent depuis sa terrasse de « Bon Port », sa résidence. De là, il crée un nouveau genre de panorama pictural où la montagne, dépouillée de toute présence humaine, n’existe que pour elle-même. Courbet, en Suisse, se fait aussi sculpteur en modelant un buste à l’allure de Marianne qu’il baptise Helvétia. Une salle documentaire propose une relecture de la correspondance du peintre vers la France. Il apparaît qu’elle exagérait volontairement les conditions difficiles de vie et de travail en exil dans l’espoir d’obtenir l’amnistie du pays natal. Ce vœu qui resta sans effet n’est plus synonyme de stérilité, mais de continuité dans l’art de Courbet. C’est la bonne nouvelle propagée depuis le Musée Rath, alors qu’à la Fondation Beyeler la démonstration sonne creux. Sa présentation par thèmes, desservie par des cimaises blanches assombrissant les œuvres, finit par lasser, preuve que la succession de chefs-d’œuvre ne suffit pas à soulever l’enthousiasme.

« Gustave Courbet, Les années suisses », Musée Rath, place de Neuve, Genève (Suisse), www.mah-genève.ch
« Gustave Courbet », Fondation Beyeler, Baselstrasse, Riehen (Suisse), www.fondationbeyeler.ch

Légende Photo :
Gustave Courbet, Grand panorama des Alpes, les dents du midi, 1877, huile sur toile, 151,2 x 210,2 cm, Cleveland Museum of Art

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Courbet, la Suisse remet les pendules à l’heure

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