Eggleston, l’art du banal

En s’interrogeant sur le passage du noir et blanc à la couleur chez Eggleston, Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson, ouvre une première réflexion sur la construction de l’écriture photographique de ce pionnier de la photographie contemporaine, qu’étonnamment personne n’avait menée jusque-là. Il est vrai qu’à 84 ans Eggleston continue à entretenir bien des questions sur cette période du noir et blanc, qui ne s’est pas achevée avec son travail en couleur, mais dont on ne sait encore quand elle se termine réellement. Quoi qu’il en soit, la juxtaposition des clichés réalisés durant la période 1960-1975 montre qu’Eggleston pose, dès ses premiers pas en photographie, la base de son vocabulaire. Objets du quotidien (lavabo, four, lampe au plafond…) ou centres commerciaux, bars, parkings, stations-service, voitures, passantes ou conductrices saisies au vol, Eggleston photographie de la même manière son quotidien à Memphis . « Quand je suis passé du noir et blanc à la couleur, la seule chose qui a changé ce sont les films », expliquait-il en 1996. Le regard décalé, subjectif, dynamique voire insolite, est libre quel que soit le film employé ; avec la couleur et le tirage dye-transfert,  il prend du relief. Le jeune garçon poussant des chariots de supermarché fut sa première photo couleur. La suite est entrée dans la légende.