Bien moins célèbre qu’Heinrich Schliemann, l’archéologue français Auguste Salzmann a cependant effectué de remarquables découvertes à Camiros, sur l’île de Rhodes. Le Louvre lui rend un hommage appuyé le temps d’une exposition. Il était temps !
Connaissez-vous Auguste Salzmann ? Non, assurément ! Son nom est pourtant indissociable de l’une des campagnes de fouilles les plus ambitieuses de la seconde moitié du XIXe siècle : la découverte de la cité antique de Camiros, sur l’île de Rhodes, et de sa nécropole riche en céramiques et en bijoux. Tout au plus connaît-on de lui un magnifique portrait exécuté au crayon par son ami, le peintre Eugène Fromentin, avec lequel il effectuera un voyage en Algérie en 1847-1848. Le jeune homme de bonne famille – il est issu d’une lignée fortunée d’industriels alsaciens – y est croqué sous les traits d’un « Turc » au regard sévère et au front enturbanné. L’heure, il est vrai, est au romantisme et aux aspirations exotiques… Auguste Salzmann s’essaie, lui aussi, au pinceau et expose au Salon de Paris dès 1847, puis de nouveau en 1850-1851. Il ne subsiste, hélas, aucun vestige de ses toiles inspirées de l’Antiquité, pas plus que de ses études de figures ou de ses paysages effectués sous le soleil saharien. C’est davantage, en effet, en tant que photographe que Salzmann passera à la postérité. Certes, là encore, une postérité toute relative si on la compare à celle d’un Maxime Du Camp dont les récits de voyages en Orient et les calotypes (tirages sur papier salé) connurent un immense succès de librairie dès leur parution, entre 1848 et 1852. Publiées en album en 1856 et vendues au prix – exorbitant pour l’époque – de 1 422 francs, les quelque cent cinquantes photographies que Salzmann a prises à Jérusalem en 1854 sont pourtant d’une qualité artistique bien supérieure. Réalisée pour le compte de l’archéologue Félix Caignart de Saulcy, cette vaste campagne obéissait, il est vrai, à un double objectif scientifique et esthétique. Au regard « archéologique » soucieux de transcrire le moindre détail du décor architectural, se greffait la sensibilité d’un artiste capable d’alterner plans larges et plans rapprochés. En dépit de son caractère novateur, l’album de Salzmann ne devait, hélas, pas connaître le succès escompté. Le public de l’époque était-il apte à apprécier ce langage « cinématographique » avant l’heure ? On est en droit de s’interroger…
Un archéologue précurseur
Artiste peintre, photographe, écrivain – sa plume a été saluée par Théophile Gautier – et « grand reporter » malgré lui – ses clichés furent reproduits en 1860 dans la célèbre revue Le Tour du monde, le Paris Match de l’époque ! –, Auguste Salzmann fut aussi, et surtout, un brillant archéologue dont les méthodes allaient s’avérer avant-gardistes à bien des égards. Sa vocation naît en 1851 de sa rencontre en Égypte avec Auguste Mariette, le grand découvreur du Sérapéum de Memphis. Salzmann n’aura alors de cesse de mettre ses talents de dessinateur et de photographe au service de cette discipline en plein essor. Dans cette deuxième moitié du XIXe siècle, le bassin méditerranéen est, en effet, un formidable terrain de jeux pour les apprentis archéologues ! Son choix se portera sur l’île de Rhodes, trait d’union idéal entre la Grèce continentale et le monde oriental. Tenu scrupuleusement du printemps 1859 à l’été 1863, son journal se révélera un document précieux tant sur la chronologie des découvertes que sur l’état d’esprit de leur auteur. Rien n’y manque : l’enthousiasme (« J’ai trouvé, j’ai réussi, le résultat dépasse toutes mes espérances »), la fermeté face à Charles Newton, le directeur du British Museum (« Je me réserve l’honneur de cette découverte »), la gravité (« Nous tenons là, sous nos pieds, des merveilles »), mais aussi l’inquiétude face au retard des fonds d’Auguste Parent, son mécène belge (« Je suis forcé de faire toutes les avances ») et, pour finir, le découragement (« Ma dernière campagne m’a brisé, je reviens malade et malheureusement ma pauvre femme est encore plus malade que moi »). Triste conclusion…
Malgré ses déboires et la dispersion de ses précieuses découvertes (réparties, de nos jours, entre le British Museum et le Louvre), Auguste Salzmann n’en a pas moins jeté les bases de l’archéologie moderne. De la sauvegarde du contexte à la restauration des objets de fouille – ses techniques de nettoyage des vases sont encore valables ! – en passant par le souci de publication, ses méthodes et sa déontologie forcent l’admiration. Il était temps de le clamer haut et fort !
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Auguste Salzmann enfin réhabilité
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Abonnez-vous dès 1 €Du 14 novembre 2014 au 10 février 2015. Musée du Louvre, Espace Richelieu. Commissaire : Anne Coulié. www.louvre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Auguste Salzmann enfin réhabilité