Héroïne en Finlande, Helene Schjerfbeck, peintre morte en 1946 après une prolixe carrière, reste pour le public non finlandais une découverte.
La Schirnkunsthalle lui offre même une rétrospective majeure avec quatre-vingts œuvres sur papier et toiles réalisées entre 1879 et 1945, histoire de comprendre la logique de cette artiste, qui vécut isolée dans la campagne à Hyvinkää à partir de 1902. Jusque-là, elle avait sillonné l’Europe pendant sa formation, avait même été récompensée d’une médaille de bronze à l’Exposition universelle à Paris en 1889 pour son tableau Le Convalescent (1888), avant d’enseigner pendant presque dix ans à l’école de dessin d’Helsinki. Ce n’était donc pas une artiste méconnue ou une « originale ». Son éloignement et le manque de modèles à peindre entretiendront chez elle son goût inné de l’autoportrait, dont une vingtaine sont exposés à Francfort (peints depuis 1884 jusqu’en 1945). L’ensemble témoigne progressivement de son approche moderniste et de la réduction de sa palette, avec une forte obsession pour sa propre image dans les années 1930 et 1940, alors qu’elle est déjà septuagénaire. Son visage aux traits lissés et à l’expression un peu interdite, habite des toiles à l’atmosphère étrange, un peu glaçante, qui n’est pas sans rappeler d’autres autoportraits obsessionnels de l’Autrichienne Maria Lassnig exposés ce printemps à New York. Schjerfbeck, en s’inspirant de magazines français, a aussi représenté la mode de son temps, les poses de jeunes femmes qu’elle aimait peindre. Elle s’est aussi attelée à prélever dans les tableaux d’histoire du Greco, d’Holbein le Jeune, de Vélasquez ou de Constantin Guys motifs et styles, en les réincorporant à ses propres toiles. Toujours ce fameux manque de modèles et de sujets qui occasionne ce parti pris plutôt audacieux et entretient une pratique de la reprise et de la réinterprétation que l’on retrouve sous tous les angles de sa peinture. Son isolement, garant de son originalité et de son indépendance stylistique si étonnante, ne l’empêchera toutefois pas d’exposer et de se bâtir, de son vivant, un statut d’icône nationale.
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Schjerfbeck, l’obsessionnelle
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Abonnez-vous dès 1 €« Helene Schjerfbeck », Schirnkunsthalle, Römerberg, Francfort (Allemagne), www.schirn.de
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°672 du 1 octobre 2014, avec le titre suivant : Schjerfbeck, l’obsessionnelle