Des images en pagaille qui traînent par terre, un tas de poupées plus ou moins défoncées, des bombes de fixatif usagées, une paire de bottes toutes neuves qui doit lui servir de modèle, le catalogue de l’exposition du Louvre intitulée « Posséder et détruire », l’encyclopédie du cinéma de l’horreur publiée par Taschen, un petit vélo d’enfant à pédales, tout un ensemble de pistolets, de couteaux et de haches posés soigneusement au sol sur un grand papier blanc…
C’est à se demander comment il peut faire pour travailler. D’une visite à l’atelier voilà deux ou trois ans, tel est le souvenir qui revient en mémoire, ajouté à cela de grands dessins sur le thème de jeux d’enfants aux images particulièrement violentes. « En 2009, dit-il, une montée de violence me semblait palpable. J’ai commencé une série consacrée aux enfants du siècle, âgés donc de neuf ans, autour du thème de leur anniversaire… » Les enfants sont devenus des ados. Bonjour la fête !
Dürer et Ingres, autant que Dix et Hucleux
Sur les murs de l’atelier, un grand dessin tout en longueur montre une bataille rangée : les enfants s’y écharpent, s’y fracassent, s’y étranglent dans une noire et tragique cohue. Ici, un dessin figure un gamin fier comme Artaban, les deux mains tenant un gourdin passé derrière sa nuque et, à ses pieds, la main retournée d’une personne étendue au sol. Là attend l’esquisse d’une cruelle réunion d’enfants masqués, l’un d’eux carabine en main pointée vers le corps d’un autre cloué au sol. Invité en résidence au Lieu unique à Nantes, Zonder a choisi de profiter de cette opportunité pour mettre un terme à cette série de dessins dont il avait présenté en 2011 un premier lot chez Eva Hober.
Né à Paris en 1974, diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts, Jérôme Zonder est passionné de dessin. Fou de Dürer et d’Ingres autant que d’Otto Dix et de Hucleux. Ce choix quasi exclusif s’est, d’évidence, imposé à lui il y a une quinzaine d’années. Il s’agissait, à ses yeux, d’un espace lui permettant plus de liberté et de justesse quant à son intention de vouloir figurer le monde. Pour lui, à la différence d’autres modes, le dessin est un exercice limite qui l’oblige à pousser jusqu’au bout ses capacités plastiques.
Face aux travaux de Jérôme Zonder, on a beau se dire que tout cela n’est que mascarade, son monde n’en est pas moins effrayant. Où l’artiste emporte le morceau, c’est qu’il est doué d’un incroyable talent dans cette façon notamment de « creuser dans l’image », comme il dit. Le thème de la violence qui occupe jusqu’à présent son travail correspond au soin qu’il a eu d’installer son dessin dans un rapport à l’histoire – l’histoire de l’art ou l’histoire en général – et lui permettre de se mesurer au monde dans lequel il est. Travailleur acharné, Jérôme Zonder affectionne occuper l’espace et rien ne l’enchante plus que d’avoir à se mesurer à lui en l’envahissant tous azimuts, du sol au plafond le cas échéant. « Le dessin prend alors son autonomie, ce n’est plus moi qui décide et c’est là où ça vibre. » À Nantes, il entraîne ainsi le visiteur dans une traversée forestière des plus obscures et des plus vertigineuses. Impossible d’en sortir indemne.
1974 Naissance à Paris
2001 Diplôme de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
2014 Vit et travaille à Paris. Jérôme Zonder prépare une expo pour La Maison rouge en 2015
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Jérôme Zonder - Vertigo graphique
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Jusqu’au 11 mai 2014.
www.lelieuunique.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°667 du 1 avril 2014, avec le titre suivant : Jérôme Zonder - Vertigo graphique