Encore Magritte, direz-vous ? Oui, mais celui-là vaut le voyage, car cette exposition américaine, qui tournera ensuite à Houston puis à Chicago, rassemble un ensemble non négligeable de chefs-d’œuvre, dont La Trahison des images habituellement exposée au Lacma de Los Angeles, Tentative de l’impossible du Toyota Museum au Japon ou Le Viol, issu de la collection Menil au Texas.
Tout cela et pléthore d’œuvres provenant de collections privées sobrement accrochées au MoMA new-yorkais. Nul recours à l’art contemporain ou à la reconstitution d’exposition, nulle mise en scène théâtrale n’est ici convoquée pour démontrer la saisissante contemporanéité de Magritte. Son à-propos visuel se met en place chronologiquement au fil de la visite, tout simplement. En treize années, de 1926 à 1938, le peintre creuse en effet sa veine, développe vocabulaire et syntaxe plastiques : métamorphose, allogisme, dédoublement, dé-nomination, éclatement, le tout avec ce style inimitable sans être virtuose.
En 1926, Magritte prépare sa première exposition prévue un an plus tard à Bruxelles. Puis ce sera Paris et parmi ses œuvres les plus remarquables, les plus surréalistes aussi. L’exposition ne cherche pas à surcontextualiser, ni à appeler à la rescousse les autres ténors du mouvement. Magritte s’assume seul, clef de voûte du surréalisme et franc-tireur. Ses images puissantes taraudent en permanence le visiteur, depuis le visage circonspect d’une femme barré du mot montagne (Le Paysage fantôme, 1928) jusqu’à la cape d’un homme assis dissimulant une cage avec deux colombes (Le Thérapeute, 1937). Le cadre temporel a fait de la conférence que donna Magritte à Anvers en 1938 le point final de cette phase fondamentale, présumant peut-être que ce qui suivra ne l’est plus autant. Et il y a déjà tant à voir, à analyse et à décrypter avec ces rébus visuels d’une grande tension. Les premières années sont d’ailleurs les plus cruelles : corps sans tête, fillette dévorant un oiseau, jusqu’à cette femme nue aux prises avec un homme imprimé sur son corps (Les Jours gigantesques, 1928). Il ne faut pas se fier au titre de l’exposition, « Le mystère de l’ordinaire », Magritte fait bien plus que cela.
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Un Magritte loin d’être ordinaire
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : Un Magritte loin d’être ordinaire