Istres (13)

Bourdarel, le conte comme modalité

La POPARTs, centre d’art contemporain intercommunal Jusqu’au 11 janvier 2014

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 16 décembre 2013 - 337 mots

Ça commence par une course éperdue, sinon perdue d’avance, de la figure évanescente d’une fillette dans une forêt, et ça s’achève par l’enfouissement virtuel, sinon le basculement, d’une maison occulte qui bruisse de paroles inaudibles sous un ciel féerique.

On pourrait penser que l’art de Katia Bourdarel relève d’un pessimisme aigu et qu’elle n’appréhende le monde que de façon cataclysmique. Il n’en est rien. Traversée, passage, secret, pénombre, abîme…, son monde se décline à l’aune de toute une production d’images peintes, dessinées, photographiques et vidéographiques dont le point commun est leur capacité à nous entraîner dans les abysses de nos rêves et de nos fantasmes, voire de nos peurs. Ici, dans le fouillis aveugle d’une végétation ; là, au bord d’un miroir noir qui creuse au sol un irrésistible précipice ; là enfin, contre les parois calcinées  d’une cabane totalement aveugle.

Katia Bourdarel n’a pas son pareil pour nous propulser dans un ailleurs mémorable. Quelque chose du conte, voire de la fable, est à l’œuvre dans son travail, qu’elle s’invente au fil du temps et des histoires qu’elle se raconte, les transcrivant dans l’espace d’exposition en se laissant parfois déborder par l’affect. À Istres, le lieu s’y prête d’autant mieux qu’il est un ancien hôtel particulier qui s’étage sur trois niveaux en une succession de salles dont pas une ne ressemble à l’autre. On y déambule comme on passe d’un chapitre à l’autre, entraîné par l’imaginaire de l’artiste, à l’image de cet ensemble au sujet d’un visage à fleur d’eau, façon Ophélie, qui se laisse emporter dans les flots de la peinture. Intitulée « Le Long Chemin », l’exposition de Katia Bourdarel, née en 1969 à Marseille, est portée par la quête d’un espace autre et d’un temps suspendu, et offre au regard l’occasion d’un asile. Le mode du conte qui la structure l’invite à faire l’expérience verticale d’une introspection et à s’abandonner au désir enfoui d’une métamorphose. Pour cela, on aurait eu envie de la parcourir non en montant d’un étage à l’autre, mais en descendant.

« Katia Bourdarel. Le long chemin »,

La POPARTs, centre d’art contemporain intercommunal, 2, rue Alphonse-Daudet, Istres (13), tél. 04 42 55 17 10.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : Bourdarel, le conte comme modalité

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