En ces temps irrespirables, alors que chute la biodiversité et que s’accroissent vertigineusement les concentrations de CO2 dans l’atmosphère, fuir est une tentation. Mais où ?
La crise à laquelle est confrontée l’humanité est globale, et c’est toute la surface terrestre qui se trouve menacée d’effondrement : il n’existe nulle île déserte où se soustraire à la débâcle, et pas d’engins assez puissants pour nous propulser vers l’une de ces exoplanètes propres à accueillir la vie. Nous voici donc réduits à l’impuissance ou contraints à l’inventivité. Sur le front de l’inventivité justement, la géo-ingénierie s’imagine déjà corriger les dérives du climat par des contre-feux déployés à l’échelle planétaire. Et pourtant, aussi colossaux soient-ils, ces moyens semblent dérisoires comparés à la solution esquissée par Christian Waldvogel. En 2004, l’artiste et architecte suisse présentait à la Biennale d’architecture à Venise la maquette et les plans d’un projet démiurgique : Globus Cassus (en latin, « sphère creuse »). Conçue comme un antipode de la Terre, comme une « contre-planète », cette construction imaginaire consiste en une vaste forme concave et réticulaire assemblée autour du globe, et où l’on aurait soigneusement recréé les conditions de la vie grâce à la matière, à l’atmosphère et au magma terrestres.
Une façon de donner consistance à cette invitation désabusée de Philip K. Dick : « Si ce monde vous déplaît, vous devriez en voir quelques autres. » Dans ces conditions, on trouvera logique que l’utopie borgésienne de Christian Waldvogel inaugure l’exposition du Frac Lorraine sur la science-fiction en général, et sur l’artiste suisse en particulier. Jusqu’au 7 février prochain, on y découvre ainsi une œuvre davantage moulée dans le genre narratif que dans la démonstration scientifique. En regard d’une maquette de Globus Cassus et de diverses perspectives (l’artiste reste rompu aux modes de représention classiques en architecture), une vidéo évoque ainsi un étrange livre noir trouvé par hasard dans un hôtel en Suisse, et dans lequel serait mentionnée la fameuse planète concave. La découverte de l’ouvrage, nous explique le narrateur, donne alors lieu à un débat fourni : Globus Cassus est-il un outil de nature à mieux nous faire appréhender notre réalité ? Apporte-t-il la preuve que nous égalons désormais les dieux ? Quoi qu’il en soit, conclut le film, un tel projet gagnerait à ne pas être mis entre toutes les mains...
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Planète augmentée
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : Planète augmentée