Il y a des ouvrages qui font regretter de ne pouvoir voir l’exposition dont ils sont l’objet. C’est le cas du catalogue de celle organisée à Poitiers : « La Licorne et le bézoard. Une histoire des cabinets de curiosités »
Qu’il soit versé ou non dans l’étude de la nature et de la raison d’être des cabinets de curiosités, le lecteur est vite emporté et mordu, tel le curieux décrit dans l’ouvrage, « en quête de savoir ». Sans cette curiosité qui « ne vise pas à savoir pour savoir, mais qui est plutôt une faculté d’étonnement, d’émerveillement devant la nouveauté sans cesse recommencée du réel », sans elle donc, la somme colossale d’informations peut décourager. Le vaste spectre d’analyses, l’intelligence de la coordination éditoriale, l’exigence du comité scientifique ainsi que la haute qualité de pensée de chacun des auteurs – ils sont quarante – évitent tout au long des 512 pages du catalogue les répétitions et les lourdeurs. « Sans être les lieux décisifs de la réorganisation du savoir, les cabinets de curiosités ont incontestablement joué un rôle important dans la divulgation et la circulation d’un savoir […]. Le cabinet devenait un révélateur du monde. » N’est-ce pas le rôle des expositions que d’élargir la pensée et de l’enrichir ?
Partant de la définition de la curiosité, l’ouvrage couvre sept siècles d’histoire de collections particulières en mettant en lumière « la matérialité des œuvres et leurs contextes », en dressant les portraits de leur propriétaire, de Federico da Montefeltro à Chateaubriand, en abordant la question de l’homme en tant qu’objet de collection jusqu’à celle de la décoration d’intérieur. Nous sommes ici bien loin de la visée première de la curiosité, qui « cherche à accéder à la contemplation des mystères divins ». Tel un cabinet de curiosités dans un palais, un chapitre interpelle, celui de la Boîte verte de Duchamp, dédicacée par l’artiste à son ami François Le Lionnais. Ce dernier, après avoir été torturé et déporté par la Gestapo, retrouve sa boîte en 1966 lors d’une visite de l’exposition « Dada » au Musée d’art moderne de Stockholm, qui en était alors le « propriétaire ». L’œuvre est passée en vente chez Christie’s en 2006, avec comme pour provenance : Galerie Van de Velde, acquis auprès de François Le Lionnais ! Fi, ici, de l’usurpation frauduleuse. Au moment de l’affaire Gurlitt, ce chapitre devrait en intéresser plus d’un…
(éditions Gourcuff Gradenigo, 512 p., 40 €).
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Un livre pour toutes les curiosités
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Un livre pour toutes les curiosités