Les lettres monumentales du nom de « FRANCE » illuminent le grand escalier d’entrée du Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne.
Elles devaient être vues de loin, lorsque le prestigieux paquebot arrivait au port de New York. Le France fut le dernier des grands transatlantiques et le plus grand liner du monde reliant Le Havre et New York, jusqu’à l’arrêt de son exploitation en 1974, puis son démantèlement calamiteux en 2003. Le France fut un rêve d’enfant, un rêve de société, un rêve de grandeur. Il fut surtout une prouesse technique durant la période de reconstruction, une opération de prestige à un moment où les enjeux économiques étaient très importants, notamment pour la construction navale en faillite à l’époque. La date de 1974 marquant sa disparition correspond aux années de forte modernisation économique des « Trente Glorieuses ». Le progrès, la concurrence commerciale, en particulier la concurrence aérienne, le choc pétrolier, le tourisme de masse eurent raison du superbe titan. Un rêve passe…
Le France n’existe aujourd’hui que par les photographies, les films, les archives, le mobilier et les objets design que le musée présente dans le cadre de son exposition. La première salle s’attache à présenter les différentes études du projet étayées par des plans (250 km de plans !), coupes, dessins techniques dont l’aspect « rébarbatif » est compensé par de belles maquettes : cheminée, hélices et, bien sûr, celle du paquebot, que tout collectionneur rêverait de posséder. Un immense écran mural projette les différentes étapes de ce chantier pharaonique, depuis la pose de la première tôle de la coque du bateau en octobre 1957 jusqu’à son départ en novembre 1961 du chantier de Saint-Nazaire qui l’a vu naître. Les salles un peu austères du musée déroulent de façon linéaire les aspects techniques à travers les matériaux innovants utilisés sur le paquebot : tissus Rilsan ignifuge, aluminium, formica, de l’autre les objets de décoration intérieure du France. Elle fut confiée à quarante-huit designers, tous confirmés et expérimentés certes, mais non avant-gardistes : Prouvé, Perriand, Matégot, Mouille furent écartés du projet. Le salon des premières classes fut confié à Maxime Old, la décoration de la classe touriste à Jacques Dumond, chacun œuvrant de son côté.
L’ensemble donne un résultat hybride mais révélateur d’une époque de transition, celle des années 1950. Loin du prestige du Normandie. Les artistes prestigieux, à l’image de Picasso, Braque ou Dufy, furent présents à travers des lithographies, aquarelles et céramiques. Et, pour l’anecdote, le France eut le privilège de transporter La Joconde, surveillée par des gardes du corps, pour sa présentation aux États-Unis. L’exposition se termine par la reconstitution d’un pont au-dessus duquel un écran géant déroule différentes scènes désuètes et charmantes, prises sur le bateau… Un rêve est passé.
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Paquebot France, le design embarqué
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Abonnez-vous dès 1 €Musée d’art et d’industrie, 2, place Louis-Comte, Saint Étienne (42), www.musee-art-industrie.saint-etienne.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Paquebot France, le design embarqué