PARIS
Noël Corbin explique les grandes lignes de son action à la direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris.
Ancien directeur financier du Musée du Louvre, puis secrétaire général adjoint du ministère de la Culture, Noël Corbin est directeur des Affaires culturelles de la Ville de Paris depuis juin 2014. Deux ans après l’élection d’Anne Hidalgo, il évoque le rôle de la direction des affaires culturelles (DAC) et l’actualité des institutions parisiennes.
Avec l’autonomisation des grands établissements culturels, le rôle de la direction des Affaires culturelles a-t-il changé à Paris ?
La création de Paris-Musées, établissement public de 900 agents (sous la responsabilité de la DAC, néanmoins), a permis de prendre en charge des missions que le statut de régie municipale entravait, c’est bien. L’activité de nos 2800 agents se voit aujourd’hui davantage dans l’attention aux pratiques culturelles (bibliothèques, conservatoires) et dans les établissements comme la Gaîté lyrique ou le 104. Avec 800 000 inscrits, les bibliothèques représentent de loin le premier outil culturel de proximité.
La politique culturelle municipale est-elle alors moins prioritaire ?
Au contraire, d’abord parce qu’avec Anne Hidalgo et Bruno Julliard, la culture n’a jamais été aussi importante. Non seulement le premier adjoint est chargé de la culture, mais il chapeaute aussi les industries culturelles, le patrimoine et les relations avec les arrondissements. Or la politique culturelle n’existe et ne survit que si elle est pensée en étroite porosité avec les autres politiques publiques (touchant le périscolaire ou le champ social, par exemple). Donc la politique est volontariste et appliquée par la DAC, dans un périmètre global avoisinant les 350 millions d’euros. Paris n’a pas réduit son budget culturel, et en France rares sont les municipalités dans ce cas.
La municipalité agit-elle culturellement dans ses territoires en difficulté ?
Oui. Nous sommes particulièrement attentifs aux pratiques culturelles, parce que nous considérons que c’est un outil fondamental de démocratie culturelle, plus que de démocratisation – qui a un côté vertical, donnant l’image que l’on va vers les gens de manière descendante. La démocratie, telle que l’entend l’exécutif aujourd’hui, c’est partir de la culture de chacun. À cet égard, nous avons ouvert il y a plusieurs années une maison des pratiques amateurs dans le quartier Saint-Blaise. Nous lançons cette année un projet ambitieux avec l’association des Amis du vingtième théâtre, dans le quartier des Amandiers. Je pense aussi au travail fait par le collectif Curry Vavart, qui a été désigné début janvier pour gérer la Villa Belleville. Enfin, nous allons repenser les conservatoires, que nous trouvons un peu trop réservés aux catégories socioprofessionnelles favorisées.
Les aides directes à la création artistiques sont faibles (100 000 €, pour une cinquantaine d’artistes) pour une ville comme Paris. Pourquoi ?
Nous préférons organiser des résidences ou des expositions dans des lieux identifiés, comme la Villa Belleville ou la Villa Vassilieff, qui vient d’ouvrir avec un budget prévisionnel proche de 360 000 euros. Il y a la Cité internationale des arts aussi, qui doit permettre de construire des nouveaux schémas. La directrice Bénédicte Alliot et le président Henri Loyrette vont développer le rayonnement de Paris en termes de résidences. On n’est pas là pour faire de l’hôtellerie, mais pour amener des artistes internationaux à Paris, en lien avec des institutions reconnues. Nous travaillons à ce que Paris soit plus visible dans sa capacité à accueillir des artistes internationaux.
Les budgets d’acquisition des musées sont modestes : 1 million pour quatorze établissements de Paris Musées, et 150 000 € pour le Fonds municipal d’art contemporain (FMAC).
En arts visuels et pour les acquisitions, il faut considérer l’argent public d’abord comme un levier. L’objectif est de lever des mécènes – saluons à cet égard le dynamisme des sociétés d’amis, qui ont permis des acquisitions importantes comme le tableau d’Otto Freundlich par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris (en 2014). Je pense aussi au partenariat que le Musée Galliera entretient avec Vogue. Enfin, rappelons que nous avons aussi aidé le Frac Île-de-France à hauteur de 180 000 € en 2015.
La délégation de service publique sur la Gaîté lyrique touche à sa fin. Bénéficiant d’une importante subvention (5,70 millions d’euros), elle a réussi son lancement, mais a déçu en termes de diversité des publics. Comment y remédier ?
En effet, au-delà d’un succès public important, l’établissement n’est pas assez fréquenté au-delà de son public très « hispter ». D’abord parce que paradoxalement, la Gaîté lyrique est mal identifiée par son environnement immédiat, l’arrondissement. Ensuite, parce que sa vocation [les cultures numériques, ndlr] est sans doute plus difficile à faire comprendre.
Beaucoup de candidats se sont -ils déclarés ?
La procédure est en cours, je peux simplement vous dire qu’elle suscite toujours beaucoup d’intérêt. La conjoncture étant ce qu’elle est, nous allons forcément devoir agir en ciseaux : moins de moyens, malgré des attentes en hausse. Mais l’institution est lancée, le plus dur est fait.
Diversité toujours, Le Journal des Arts pointait récemment l’échec de la démocratisation culturelle dans les grands musées. Quel bilan faites-vous de la gratuité des collections à Paris-Musées ?
Il est très bon. En 2015, d’après la première étude de public exhaustive depuis la création de Paris-Musées, 47% du public des collections permanentes étaient des employés, professions intermédiaires ou cadres moyens. C’est un bon score que nous allons encore accroître.
Fixez-vous des objectifs chiffrés aux musées en termes de diversité ?
Non, chacun se les fixe en fonction de ses moyens, nous venons en soutien.
Vous ouvrez ce printemps le premier centre culturel dédié au hip-hop, c’est un petit événement…
Un événement internationalement attendu ! C’est une première mondiale en même temps que le point fort de l’inauguration de la Canopée des Halles. La subvention dépasse le million d’euros.
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Noël Corbin : « Paris n’a pas réduit son budget culturel »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : Noël Corbin : « Paris n’a pas réduit son budget culturel »