Avec une exposition au Parc de la Villette et des projets au château de Trévarez (Finistère) ou à Lausanne, Felice Varini (né en 1952) connaît une intense actualité.
Y a-t-il pour vous de bons et de mauvais supports ?
Dès le début je me suis posé la question : « dans quel genre de lieux puis-je travailler ou pas, est-ce que je veux du white cube ou pas ? » La réponse a été non car c’est l’espace le plus proche de la page blanche, de la surface vierge sans beaucoup d’informations. J’ai donc voulu travailler dans des lieux ayant toutes sortes de caractéristiques. Cela peut être une pizzeria comme une station de métro ou un musée, il n’y a pas de limites. Chacun est intéressant et je pense pouvoir y faire quelque chose. Après, certains lieux sont vraiment trop petits et c’est un peu compliqué, c’est pourquoi à partir de 1984-1985 j’ai utilisé des miroirs dans certaines œuvres, ce qui était une manière d’agrandir l’espace. Mais en fait, tout lieu m’intéresse car même l’espace le plus terrible est un lieu qui, à un moment donné, génère des choses inattendues. C’est grâce à tous ces lieux que j’ai pu développer ce que j’ai construit, leur diversité m’a toujours obligé à accroître ma réflexion.
Votre exposition de la Villette est construite avec trois formes de base qui sont le carré, le cercle et le triangle. Cherchiez-vous un équilibre particulier ?
Je suis dans une période où je suis toujours entre le cercle, le triangle ou le trapèze. Mais l’important c’est l’interaction entre moi, le lieu, sa physique, ses lumières, son volume, la manière de l’aborder, qui a fait qu’à un moment donné j’ai pris toutes ces décisions. À l’intérieur du Pavillon Paul Delouvrier, je traite la question d’un lieu donné, comment je peux l’aborder dans son ensemble, d’une manière panoramique et dans sa profondeur en même temps. J’ai généré cette pièce constituée de quatorze triangles placés d’une manière panoramique et percés à leur tour, qui vont à chaque fois toucher trois points (Quatorze triangles percés/penchés, 2015). Une fois cette œuvre décidée, je suis passé à la seconde qui se trouve au centre et que l’on a traversée pour rejoindre le point de vue de la première (Rouge jaune noir bleu entre les disques et les trapèzes, 2015). J’ai donc décidé de la faire beaucoup plus centrée et contenue, focalisée sur un détail de l’architecture avec ces deux cercles évidés par deux trapèzes. Je l’ai pensée de manière à ce que la cohabitation des deux pièces puisse exister hors point de vue, même si lorsque je suis au point de vue l’une s’isole de l’autre. Et la troisième œuvre, une fois réglées ces deux-là, vient d’une certaine manière rendre hommage à la prolifération extravagante des colonnes. Elle est bleue afin de se situer exactement à l’opposé de la rouge et prend appui sur ces colonnes (Sept carrés pour sept colonnes, 2015). Voilà comment le rapport à cet environnement a généré ces trois pièces. Mais avant de commencer à travailler, je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire.
A-t-on besoin de trouver le point de vue lorsqu’on investit votre peinture ?
Non, c’est inutile, je ne l’indique jamais. Si en 1978 j’ai utilisé l’outil « point de vue », c’est parce qu’il m’a permis de faire une œuvre picturale. C’est un outil très confortable car il me ramène à moi, à ma mesure, d’ailleurs je le mets à la hauteur de mon œil, sachant que des gens de toutes tailles y seront confrontés, avec parfois des contorsions. Et en même temps, ce point de vue qui est d’une fragilité extraordinaire est un des moments parmi tous les autres moments. Et tous les autres moments sont désarçonnants car on ne sait pas exactement ce que l’on voit, on est face à des apparitions picturales, à des formes, à des aplats.
Lorsque l’on s’approche du détail, votre peinture pose la question de l’abstraction. Travaillez-vous spécifiquement là-dessus ?
Il s’agit d’un moteur de départ en effet. J’espère que l’on a compris que je suis un artiste lié à l’abstraction (lié à cette histoire du moins) qui, à un moment donné, s’est affranchi de cette question tout en restant dans la quête de l’œuvre qui ne parle de rien d’autre que d’elle-même et de ce qu’elle est, tout en dialoguant avec la vie et la complexité des réalités. Donc tout ce qui est et se passe en dehors du point de vue c’est là mon travail, c’est là cette peinture que je déclenche et qui me dépasse. Et j’assume la liberté et l’autonomie qu’elle prend vis-à-vis de moi.
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Felice Varini : « Je suis un artiste lié à l’abstraction »
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Abonnez-vous dès 1 €FELICE VARINI. LA VILLETTE EN SUITES, jusqu’au 13 septembre, La Villette, 211, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 40 03 75 75, www.lavillette.com, tlj sauf lundi-mardi 14-19h, entrée libre. Catalogue éd. Dilecta, 128 p., 25 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°440 du 4 septembre 2015, avec le titre suivant : Felice Varini : « Je suis un artiste lié à l’abstraction »