Couture

La dentelle selon Balenciaga

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 2015 - 697 mots

La Cité de la dentelle et de la mode de Calais rend hommage à l’usage virtuose de la dentelle chez le couturier basque, qui fut en son temps le plus prisé de Paris.

CALAIS - Lancées sur la piste d’une exposition consacrée à Hubert de Givenchy, les équipes de la Cité de la dentelle et de la mode ont bifurqué en cours de route à Calais (Nord) pour suivre celle menant à Getaria, dans le Pays basque espagnol, lieu de naissance de Cristóbal Balenciaga (1895-1972). Déclinant l’offre, l’illustre couturier français les a en effet guidées vers le maître de trente-deux ans son aîné, auprès de qui il révèle avoir beaucoup appris. La commissaire, Catherine Join-Diéterle, directrice honoraire du Palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris, n’a pas perdu au change : l’usage de la dentelle dans le travail de Balenciaga est un sujet inédit qui trouve à la Cité de Calais un écrin idéal. Organisée en coproduction avec la Fondation Cristóbal Balenciaga de Getaria, où elle sera présentée en 2016 dans le cadre de « Saint-Sébastien, Capitale européenne de la culture », l’exposition « Balenciaga, magicien de la dentelle » révèle la virtuosité d’un couturier capable d’associer la modernité à l’utilisation inventive d’un textile de tradition séculaire.

S’il commande, à l’instar de ses confrères, sa dentelle à partir des catalogues des producteurs de Calais, Balenciaga apprivoise ce textile précieux comme nul autre. Froissée, plissée, brodée, peinte à la main ou redécoupée, la dentelle se laisse amadouer par ce fils de couturière pour le grand monde, mis à contribution par l’atelier maternel dès l’âge de 11 ans. Acquise dès l’enfance, cette familiarité avec les tissus et textiles se retrouve dans l’aspect ludique, presque décomplexé, du traitement de la dentelle chez Balenciaga, qui dessine ses modèles destinés à une clientèle très aisée – les mères et filles qui iront jusqu’à lui commander une garde-robe complète ont fait de lui le couturier le plus prisé et le plus cher de Paris. Le soin apporté à la toilette est ici recréé à travers un parcours déclinant les modèles selon les heures de la journée, de la tenue d’après-midi à la robe des grands soirs, en passant par la petite robe noire de cocktail. La Cité inaugure pour l’occasion de nouveaux modes d’exposition, à travers de larges vitrines préservant les vêtements de la poussière et autres variations d’humidité et de température : une scénographie qui donne un visage sobre, élégant et efficace à ses espaces temporaires.

Inspirations artistiques
Étendue à la période historique d’activité du couturier (1937-1968), et non limitée à celle de la maison qu’il a créée et qui est aujourd’hui propriété du groupe Pinault, l’exposition calaisienne respecte à la lettre les codes scientifiques, qu’il est souvent difficile de voir adopter en ce domaine. La mode demeure en effet un sujet délicat à traiter par les musées, tant les maisons qui ont toujours pignon sur rue ont tendance à vouloir maîtriser le discours pour l’adapter à leur ligne de communication. Les archives de la maison parisienne et la fondation basque se sont prêtées au jeu en laissant le champ libre à Catherine Join-Diéterle ; elles fournissent la majorité des prêts, dont 45 costumes et différents accessoires provenant des ateliers parisiens et espagnols, quelques croquis d’atelier, documents d’archives et photographies. On apprend ainsi que le couturier arrivé à Paris poursuivait ses activités en Espagne : une robe identique pouvait porter deux griffes, « Balenciaga Paris » pour l’une, « Eisa » pour l’autre, avec un écart de prix notable.

La commissaire, originalité de son regard, a aussi décelé les origines artistiques ibériques de certains détails : un léger dépassement de la dentelle en bordure des tenues typique de Goya, la « sculpture » d’une jupe que l’on retrouve chez les saintes représentées par Zurbarán… Cette exposition constitue enfin un bel hommage au travail des denteliers calaisiens, fournisseurs pendant plus d’une vingtaine d’années de la dentelle qui ornait les tenues des femmes les plus élégantes d’Europe et des États-Unis. 

Balenciaga

Commissaires : Catherine Join-Diéterle, directrice honoraire du Palais Galliera, musée de la mode de la ville de Paris
Scénographie : Studio Tovar/Alain Batifoulier
Itinérance : Cristóbal Balenciaga Museoa, Getaria, Espagne, 2016

Balenciaga. Magicien de la dentelle

Jusqu’au 31 août, Cité de la dentelle et de la mode, 135, quai du Commerce, 62100 Calais, tél. 03 21 00 42 30, www.cite-dentelle.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, entrée 4 €. Catalogue, coéd. Cité de la dentelle et de la mode/Somogy, bilingue anglais-français, 130 p., 25 €.

Légende photo
Cristóbal Balenciaga, Robe et manteau de cocktail en dentelle noire, ceinture corselet rose, 1951, modèle conservé à la Cité de la dentelle et de la mode, Calais. © Photo : Henry Clarke/Corbis.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : La dentelle selon Balenciaga

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