La synergie de Bruneaf, Baaf et AAB conjuguée aux efforts des marchands et une exposition de qualité ont attiré dans la capitale belge des visiteurs de qualité, mais encore trop peu.
BRUXELLES - Si l’an passé, la semaine dédiée aux trois « foires » – Bruneaf, Baaf et AAB – avait été perturbée par le G7, cette année, rien ne venait rompre l’atmosphère plutôt détendue et ensoleillée de l’événement qui s’est clos le 14 juin. « Il y a un public de plus grande qualité cette année », confiait un marchand. Mais pas énormément de monde. « Il y avait moins de monde qu’à Paris », indiquait Dori Rootenberg (Jacaranda, États-Unis), dont c’était la première participation. « L’édition 2015 semble mieux engagée même si toutes les conditions ne sont pas réunies. Il y a plus d’étrangers que l’an passé grâce à l’économie américaine qui se porte mieux », constatait Patrick MestDagh, marchand bruxellois. Quant à l’association des trois foires, l’idée est bonne sur le papier mais dans la réalité ? « Collectionneurs et marchands semblent se cantonner à leur spécialité », notait un connaisseur du marché, qui se plaignait également d’un manque d’uniformité au niveau des pièces : « 20 000-30 000 euros c’est bien, mais pour une foire de ce niveau, des objets à 500 euros, ce n’est pas sérieux ».
De belles pièces à Bruneaf
Brussels Non European Art Fair (Bruneaf), dédiée à l’art tribal, fêtait ses 25 ans et pour l’occasion, elle avait vu les choses en grand : une exposition de grande qualité organisée dans l’ancienne Nonciature, « Uzuri wa Dunia », regroupant 130 chefs-d’œuvre issus de collections belges, pour beaucoup achetés à Bruneaf. Parmi les pièces majeures, réunies dans la « chapelle », un masque Lega en ivoire, une statue Songyé tête tournée à patine suintante, un masque Olmec… « Les visiteurs qui ressortent de l’exposition sont époustouflés. Ne vont-ils pas être déçus par les galeries ? », se demandait un marchand. « Non car c’est motivant. Cela prouve que l’on peut trouver des pièces de ce niveau-là sur la foire. En tout cas, ceux qui ont raté cette exposition ne sont pas de grands collectionneurs », soulignait Patrick Mestdagh.
Pour honorer les 25 ans, certains marchands ont fait des efforts pour montrer de belles pièces, comme Serge Schoffel qui présentait une sculpture Asmat, Indonésie Nouvelle-Guinée, ancienne collection Charles Ratton (200 000 euros) ou Didier Claes, qui a vendu un masque Kwele (Gabon), dont un similaire a été adjugé 536 250 euros chez Sotheby’s Paris en 2007. Adrian Schlag, qui a bien vendu, montrait aussi des pièces dignes d’intérêt comme une figure Agni (Côte d’Ivoire), du Maître des trois couronnes (autour de 25 000 euros) : « C’est une bonne année car l’exposition a fait venir du monde. » Yannik van Ruysevelt présentait une exposition d’objets Esquimau issus de sa collection personnelle. Des objets peu présents sur la foire axée surtout sur l’art africain. Parmi les pièces rares, plusieurs contrepoids de harpons en ivoire de morse (autour de 20 000 à 30 000 euros), dont un important vendu (IIe-IIIe siècle). Même démarche du côté de Julien Flak, qui essaie d’ouvrir Bruneaf à l’art océanien et d’Amérique du Nord. Pour Alain Lecomte, qui présentait un sceptre Bayombe sculpté en ivoire, « les objets entre 5 000 et 20 000 euros se vendent bien à Bruxelles alors qu’au Parcours des mondes, ce sont plutôt les objets chers qui se vendent bien. Mais ce que je regrette, c’est la difficulté de rencontrer de nouveaux collectionneurs venus d’autres sphères ».
Les visiteurs asiatiques boudent AAB
Du côté des exposants d’art d’Asie (AAB), une petite déception se faisait entendre : « la semaine a manqué de visiteurs asiatiques, tous réunis à Paris pour les ventes de prestige », indiquait Howard Wei, qui a quand même vendu quelques ex-voto et des textiles et présentait un Bodhisattva Avalokitesvara, Chine, XIV-XVe siècle. Point positif, l’édition 2015 était marquée par la présence de trois nouveaux exposants tous spécialisés en art du Japon (Hotei, Ibasho, Oranda Jin) contre un l’an passé. Serait-ce une reprise de la discipline ?
Succès conditionnel à BAAF
Quant à la troisième et dernière foire, Brussels Ancient Art (BAAF) Fair dédiée à l’archéologie, en milieu de semaine, des ventes avaient été conclues. « Nous avons vendu et sommes rentrés dans nos frais, mais ce n’est pas transcendant et concerne surtout de petites choses, de 5 000 à 10 000 euros », notait Jean-Pierre Montesino (galerie Cybèle). « Un des plus grands musées américains a repéré une pièce importante à provenance certifiée. Depuis quelque temps, les marchands se heurtent à un problème : les musées veulent des pièces d’avant 1970 (Convention de l’Unesco), avec une provenance. Or, les maisons de ventes refusent de transmettre les provenances et documents. Désormais, si une pièce est somptueuse mais n’a pas de provenance, je la refuse ». À bon entendeur.
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Trio gagnant à Bruxelles
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Abonnez-vous dès 1 €Figure assise Asmat, Irian Jaya, Nouvelle-Guinée, fin XIXe-début XXe siècle, bois, 107 cm. Courtesy galerie Schoffel, Bruxelles.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Trio gagnant à Bruxelles