Présente à Paris depuis 1991 et à Shanghaï depuis 2009, la galeriste Magda Danysz vient d'inaugurer un nouveau lieu à Londres.
Magda Danysz a ouvert sa première galerie à Paris rue Keller (11e) en 1991. En 1999, elle déménage rue Émile Durkheim (13e) avant de s’installer depuis 2007 dans le Marais au 78, rue Amelot. Elle a ensuite ouvert un espace à Shanghaï en 2009 et le mois dernier un troisième sur Charlotte Street dans le centre de Londres.
Plusieurs galeries françaises ont récemment ouvert à Bruxelles. Vous avez, vous, fait le choix de Londres. Pourquoi ?
Au-delà du fait que l’on m’a proposé une belle opportunité d’espace et d’emplacement, j’ai été attirée par l’importance du marché londonien. Artprice estime que le marché britannique représente environ 77 % du marché européen. Il y a, certes, de la concurrence à Londres, mais la demande y est forte pour les raisons que l’on connaît : nombreux sont les actifs à hauts salaires qui se permettent d’acheter de l’art. En plus, et toujours selon Artprice, une très grande majorité des transactions se situent dans un marché accessible en deçà de 5 000 euros. Travaillant avec des artistes vivants du premier marché, qu’il faut promouvoir et qui sont encore à des prix abordables et souvent en manque de reconnaissance à l’étranger, je pense qu’il y a là beaucoup à faire. Londres regorge d’un public que l’on peut toucher, intéressé par des artistes émergents ou déjà plus connus, avec des collectionneurs curieux, pas uniquement attirés par de grands noms. J’en ai eu tout de suite la preuve en exposant le jeune Français Gaël Davrinche dont la peinture de qualité a été très bien accueillie.
La rumeur dit pourtant que vous n’ouvrez que pour cent jours…
Nous sommes sur un bail de six mois, auquel il faut enlever les trois mois de travaux que nous avons faits, donc effectivement il reste un peu plus de trois mois. Je déciderai à la rentrée de la suite. C’est mon côté prudent et cela est logique pour plusieurs raisons : il faut d’abord vérifier si le marché est aussi porteur qu’on le dit et si nous rencontrons de nouveaux clients. Londres est régulièrement considérée comme la cinquième ville française, donc si nous ne voyons que des Français, je préfère rester à Paris. Si déjà ces points s’avèrent positifs, il faut ensuite réfléchir sur la forme à développer, parce que la capitale anglaise, contrairement à Bruxelles, est une ville très chère, donc il ne faut pas se tromper sur nos ambitions, les investissements, le nombre d’employés, etc. En plus de la galerie classique, nous développons en ce moment sur place (avec 500 m² de surface) un projet artistique underground de résidence d’artiste qui sera dévoilé à la rentrée. Mon but est évidemment de poursuivre cette aventure.
Allez-vous parallèlement maintenir en activité votre galerie de Shanghaï ?
Bien sûr ! La troisième exposition programmée à la galerie de Londres sera même intitulée « Chinese Contemporary », car j’ai envie de partager l’expertise de Shanghaï à Londres. Je tiens par exemple à y présenter Liu Bolin, dont nous venons d’inaugurer une grande exposition à Shanghaï, justement pour avoir cette circulation internationale. C’est cela qui m’intéresse : en plus des Français que j’ai envie d’exporter outre-Manche, il y a aussi des artistes chinois et vice versa. D’ailleurs, j’ai déjà commencé à repérer des artistes britanniques pour les exposer dans les galeries de Paris ou Shanghaï.
Où en est justement le marché à Shanghaï ?
Le marché est toujours un marché de grands collectionneurs. La classe moyenne chinoise achetant de l’art est encore rare. Pour nous le marché local est celui de gros collectionneurs qui veulent des pièces ambitieuses, et non d’envergure habituelle, contrairement au marché londonien justement. Tout cela est donc complémentaire. Les collectionneurs chinois sont acheteurs, mais toujours aussi difficiles à atteindre. Cela suppose un important réseau et beaucoup de temps à mettre en place. C’est un marché complexe, qui a ses règles, très différentes du marché européen. Donc avec le projet londonien, je me sens presque à la maison, tout fonctionne de la même façon.
Votre galerie à Shanghaï est-elle bénéficiaire ?
Oui, sinon je ne pourrais pas continuer. C’est même l’espace de Shanghaï qui a permis l’ouverture de celui de Londres. De la même manière que la galerie de Paris, autonome depuis un moment, a permis l’ouverture de celle de Shanghaï. Parce que malgré les difficultés à pénétrer le marché chinois, une fois qu’on y parvient cela marche. Shanghaï permet aussi de faire des expositions ambitieuses puisque nous avons la chance d’avoir un espace de 1 000 m2 au nord du Bund. L’aventure est également bénéficiaire intellectuellement car bon nombre de nos artistes, français et même chinois, que l’on a fait venir spécialement à Shanghaï, ont repoussé leurs limites et ont réalisé de nouvelles œuvres qu’ils n’auraient pas pu faire habituellement.
Comment expliquez-vous qu’avec vos trois galeries vous fassiez aussi peu de foires ?
J’en ai fait beaucoup pendant un certain temps, environ sept ou huit par an. Et c’est précisément en ralentissant mes participations que j’ai pu consacrer l’investissement nécessaire à l’ouverture de l’espace de Shanghaï. Je préfère me concentrer, développer à fond un lieu d’exposition, plutôt que de participer des foires un peu partout. Je n’ai gardé que la foire de Shanghaï et Paris Photo.
On aurait bien évidemment envie de faire Bâle ou la Fiac. Mais comme chacun le sait, cela ne dépend pas de notre volonté. Et il semble de plus en plus difficile pour les galeries de moyen marché, d’un marché accessible, et qui ne sont pas de grandes marques, d’y avoir accès.
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Magda Danysz : « Partager l’expertise de Shanghaï à Londres »
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Abonnez-vous dès 1 €Magda Danysz. © Photo : Céline Barrère.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Magda Danysz : « Partager l’expertise de Shanghaï à Londres »