Invitée par le Laac de Dunkerque à puiser dans ses réserves et celles du Frac pour les faire dialoguer avec son propre travail, l’artiste révèle toute l’ambiguïté de son propre univers, âpre et délicat.
DUNKERQUE - Au premier coup d’œil sur le travail de Françoise Pétrovitch (née en 1964 à Chambéry), on pourrait croire à un certain angélisme. Mais derrière la délicatesse l’univers peuplé de figures enfantines et animales, se cache une œuvre pleine d’angoisse et d’ambiguïté, traversée par des pulsions contradictoires. C’est ce que révèle, plus ou moins en creux, l’exercice de commissariat auquel s’est livré l’artiste au Laac de Dunkerque. Guidée par ses intuitions, elle a sélectionné dans les réserves de ce lieu 27 pièces pour les faire dialoguer avec son propre travail (ses œuvres les plus récentes, une quarantaine). « J’avais le désir de me confronter à des œuvres que j’ai beaucoup regardées lorsque j’étais étudiante dans les années 1970. En tombant sur certaines pièces, j’ai parfois même changé le choix de mes propres pièces. » Ce à quoi elle a ajouté quinze œuvres issues du Frac Nord-Pas-de-Calais, voisin du musée, afin de balayer un large spectre de la création plastique, jusqu’à nos jours. L’artiste a su tirer parti des cinq salles du premier étage du musée mises à sa disposition pour créer des zones de tension. Chacune est associée à une citation et un dessin qui joue le rôle de cartel. « J’ai eu l’idée de faire des cartels dessinés car cela offrait une ouverture ; des cartels écrits auraient été quelque chose de trop didactique », explique l’artiste. Aussi n’y a-t-il pas de véritable parcours mais des jeux d’association et de confrontation entre les œuvres, qui laissent percevoir un regard, des obsessions, une sensibilité. L’occultation, le double, l’absence sont autant de fils rouges qui relient de nombreuses pièces comme les photos de Joachim Schmid ou de Christian Boltanski ou encore les sculptures d’Isa Genzken et de Berlinde de Bruyckere.
Dialogues surprenants
Mais au-delà du choix des œuvres, c’est aussi la manière de les associer et de les faire dialoguer qui donne du sens. Françoise Pétrovitch ne succombe à aucune évidence préférant des associations souvent inattendues. Elle n’hésite pas ainsi à accrocher dans la première salle un tableau de Bernard Rancillac figurant des footballeurs, à côté d’une de ses céramiques, une petite bottine, non loin d’une sculpture de Karel Appel et d’un tableau de Robert Malaval. Depuis 2013, l’artiste montre ses peintures. « Je peins depuis longtemps mais il fallait s’autoriser à se dévoiler », confie-t-elle. Aussi n’est-ce peut-être pas un hasard si la sélection des œuvres du Laac et du Frac comprend une majorité de peintures, comme si Françoise Pétrovitch voulait révéler des affinités picturales tout en mettant à l’épreuve sa propre pratique. Dans la deuxième salle, elle propose un dialogue détonnant entre une toile abstraite de Richter, des tableaux de Gérard Schlosser et ses propres peintures à l’huile sur un fond nocturne, où les sons sont comme étouffés et les souvenirs enfouis. Au fil des salles, apparaît une certaine manière de penser l’art et de créer.
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Les apparences trompeuses de Françoise Pétrovitch
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Abonnez-vous dès 1 €Se fier aux apparences, Françoise Pétrovitch rencontre les collections du LAAC et du Frac Nord-Pas-de-Calais, jusqu’au 20 septembre, au LAAC, Pont Lucien Lefol, 59140 Dunkerque, tlj sauf lundi 10h-12h15 et 14h-18h, entrée libre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Les apparences trompeuses de Françoise Pétrovitch