Remarquable en qualité, la présentation au Grand Palais d’œuvres du Musée d’art moderne de San Francisco est dénuée de la moindre réflexion.
PARIS - Y sont annoncés des chefs-d’œuvre, et si cette notion reste encore largement floue et sujette à caution, le visiteur d’« Icônes américaines » aura vite confirmation qu’il déambule devant des œuvres de qualité remarquable. À titre d’exemples, il est possible de retenir le Spectrum I (1953) d’Ellsworth Kelly, rigoureux alignement des couleurs du spectre qui lui a inspiré la commande récemment réalisée pour la Fondation Louis Vuitton, une toile de Philip Guston totalement abstraite, laissant à penser que le motif aurait été broyé et étalé à la surface (For M., 1955), ou encore un magnifique tableau d’Agnes Martin où des lignes de bleu vibrionnent sur la toile de lin (Falling Blue, 1963).
Quarante-neuf œuvres signées de quatorze figures majeures de l’art américain postérieur à l’expressionnisme abstrait – des noms archi connus tels ceux de Cy Twombly, Brice Marden, Roy Lichtenstein, Sol LeWitt ou Carl Andre – sont réunis au Grand Palais, à Paris, dans une exposition organisée en collaboration avec le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) [lire le JdA no 434, 24 avril 2015, p. 4], l’un des plus importants aux États-Unis pour l’ampleur et la qualité de sa collection d’après-guerre. Fermée jusqu’en 2016 pour des travaux d’extension, l’institution dispose d’une plus importante latitude afin de laisser voyager ses œuvres. Surtout, la majeure partie des prêts provient de la collection de Doris et Donald Fisher, des amateurs très éclairés qui ont massivement – et manifestement plutôt bien – collectionné depuis les années 1970. La famille Fisher, qui n’est autre que la fondatrice de la marque de vêtements Gap, par ailleurs partenaire « logique » de l’exposition, a mis en dépôt au SFMOMA une partie de ses quelque 1 100 œuvres qui seront présentées au côté de celles du musée lors de la réouverture. C’est sur ce « partenariat » qu’a été mis l’accent à l’occasion de cette exposition qui sera ensuite présentée au Musée Granet d’Aix-en-Provence (du 11 juillet au 18 octobre).
N’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un exercice remarquablement paresseux, tant il a déjà été démontré qu’aligner les chefs-d’œuvre ne faisait pas une exposition. Or, un alignement, c’est exactement ce qui est proposé là, sagement, avec une salle par artiste regroupant chaque fois trois ou quatre œuvres. Lorsque dialogues il y a, ils sont soit sans audace (Sol LeWitt et Donald Judd !), soit ratés, comme Philip Guston tellement mal accordé à Richard Diebenkorn que n’importe quel autre peintre aurait sans doute pu faire l’affaire.
De là à ce qu’il soit possible de voir une simple opération de promotion dénuée d’enjeux artistiques il n’y a qu’un pas, tant nulle part n’est dépassée la surface des « icônes » mises en avant.
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Un alignement paresseux de chefs-d’œuvre
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Jusqu’au 22 juin, Galeries nationales du Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.grandpalais.fr, tlj sauf mardi 10h-20h, mercredi 10h-22h, entrée 12 €. Catalogue, éd. RMN-Grand Palais, 184 p., 35 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : Un alignement paresseux de chefs-d’œuvre