Chaque fédération sportive, ou presque, s’enorgueillit de son musée. Certaines institutions sont dédiées à plusieurs sports. Il s’y cache parfois des œuvres d’art.
Qui dit musée, dit collection(s). Oui, mais de quoi ? Maillots portés, balles dédicacées et trophées sont le lot des institutions consacrées à un ou des sports. Le Musée du basket, à Paris ; le Musée de la pétanque et du jeu provençal, à Marseille ; le Musée du ski, à la Chapelle d’Abondance. Parmi ces établissements, la plupart se pensent plus comme des sanctuaires d’athlètes que des temples de l’art. À l’inverse, le Musée de la FFT (Fédération française de tennis) à Boulogne, le Musée olympique à Lausanne, le Wimbledon Lawn Tennis Museum et le tout nouveau Musée national du Sport, à Nice, recèlent des trésors insoupçonnés.
Des athlètes aux esthètes
L’association entre art et sport ne coule pas toujours de source. S’agissant du musée national niçois, il est né des cendres d’un projet proposé en 1963 par le secrétaire d’État Maurice Herzog. Initialement installée au Parc des Princes avec, à sa tête, l’ancien cycliste Jean Durry, l’institution fut finalement déplacée à Nice et ouverte en juin 2014. Figure tutélaire du Musée olympique, le baron Pierre de Coubertin doit son intérêt pour l’art à son père, le peintre Charles de Coubertin. D’où le lancement, en 1912, de cinq concours d’art, dont les lauréats figurent aujourd’hui dans la liste officielle des champions olympiques. Dur d’exceller à la fois en dessin et en sport. Le sculpteur Walter Winans est le seul participant à avoir remporté une médaille d’or en tant que sportif et artiste, lors de la première édition. C’est pourquoi la pêche aux athlètes esthètes fut interrompue en 1948. Si l’on imagine mal un sportif, un pinceau à la main, la joueuse de tennis Helen Wills jouait, elle, sur les deux tableaux. Conservé au musée de Wimbledon, l’un de ses autoportraits au fusain atteste la polyvalence de certains champions, quoique aucun n’ait jamais été invité à produire des affiches officielles.
Cela ne fait que trois ou quatre ans que la fédération anglaise de tennis a renoué avec la tradition sollicitant des peintres (Yulia Brodskaya, cette année) pour la conception de ses posters. Une approche chère à la la FFT, laquelle entretient un partenariat de longue date avec la Galerie Lelong. De Valerio Adami (1980) à Du Zhenjun, pour la saison 2015, en passant par Jacques Monory (1985), Joan Miró (1991), Arman (2002), nombre d’artistes ont contribué à la promotion des internationaux de tennis français.
Galerie d’art
En effet, il n’y a pas que des « croûtes » dans les musées sportifs. Des expositions permanentes aux réserves, on y croise des signatures plus ou moins prestigieuses. Qui aurait cru trouver un Warhol au Musée Roland Garros ? De son côté, le Musée olympique détient des eaux-fortes d’André Dunoyer, un bronze de Fernando Botero, et surtout, les imposants Footballers de Niki de Saint-Phalle. Alfred Boucher, Gustave Doré et Maurice Denis cohabitent quant à eux dans les fonds niçois. S’il fait la part belle aux arts décoratifs, le Wimbledon Lawn Tennis Museum abrite des artistes reconnus, tels Raoul Dufy ou John Lavery ; un Diego Rivera, un Duncan Grant, dont on retrouve le nom sur les cimaises de la Courtauld Gallery. André Lhote, Eduardo Arroyo ou Auguste Rodin, rares sont les musées sportifs à ne pas les exposer. C’est à se demander si les conservateurs se les disputent ou si l’offre serait, dans leur cas, supérieure à la demande. Donations, prêts, et acquisitions, sont à la source de ces collections. Malgré les dépôts du Louvre et du Centre Georges Pompidou, le Musée olympique a dû lancer un appel aux dons, à son ouverture. « À force d’entendre parler de nous, les fédérations se sont mises à nous contacter d’elles-mêmes », explique Patricia Reymond, la responsable des collections. Au vu de sa renommée croissante, le Musée Roland Garros peut désormais se reposer sur un réseau d’experts et de passionnés. « Collectionneurs et amis du musée nous informent de l’actualité des ventes », explique Michael Guittard, chargé des collections et de la médiation culturelle. Commandes et achats dépendent néanmoins du budget alloué aux équipes de conservation. Tous les ans, la Galerie Lelong présente deux ou trois de ses protégés à la FFT. L’heureux élu a ensuite carte blanche pour réaliser une affiche dont l’original et les tirages, pris en charge par la fédération, atterrissent dans les réserves du musée.
Quelle marche du podium ?
La découverte de ces œuvres invite à s’interroger sur la définition du mot art et le concept de musée. Le critère esthétique ne prime pas toujours. À Lausanne, les imitations de sculptures antiques de Stavros Georgopoulos ont une valeur pédagogique : elles illustrent le fait sportif. De même, la reproduction des Périssoires sur l’Yerres (1877) évoque la pratique d’une activité en plein air, quoiqu’elle puisse susciter chez d’autres la frustration de n’avoir affaire à un vrai Caillebotte. Selon le cadre d’exposition et le public visé, l’absence d’un original peut passer totalement inaperçue.
Ornés d’agrandissements de planches de bandes dessinées, les couloirs du Centre sportif du Blocry, à Louvain-la-Neuve, portent, depuis 1997, le nom de Musée du sport et de la BD. Pourquoi pas, si l’on considère un musée comme un lieu regroupant divers objets autour d’un axe (thème, période…) précis ? Spirou, Tintin, Blake et Mortimer, ils sont tous là incarnant un sport sur les parois de ce gymnase belge. Pas un graffiti en vue. C’est dire le respect accordé à ces reproductions d’amateurs. Aux tirages cédés par les maisons d’édition répondent les travaux d’étudiants, passés maîtres dans l’art de projeter puis de décalquer des personnages sur un mur. Sacrée neuvième art, la bande dessinée semble s’élever au rang de la sculpture et du dessin.
Dans le langage courant, le titre d’artiste ne désigne plus un métier mais une aptitude. Rien d’étonnant, au vu de cette attitude, que certaines œuvres plastiques se trouvent mêlées à des objets ordinaires, et vice versa. Fière de sa Coupe des Mousquetaires, la FFT voit en la joaillerie un art que domine Mellerio. Même si la renommée d’un artiste ou d’un professionnel ne devrait pas influencer l’appréciation d’un objet, certains considéreront la Torche olympique d’Albertville (1992) comme un chef-d’œuvre de Philippe Starck. À Wimbledon, les arts décoratifs sont mis sur le même plan que les beaux-arts. À Lausanne, certaines médailles sont rangées parmi les sculptures. Foin des typologies, au fond, l’important, c’est que chaque musée assume ce qu’il subsume sous le cachet de l’art.
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L’art entre dans les musées du sport
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Abonnez-vous dès 1 €Musée national du sport à Nice. © M.Erlich
Le musée Olympique de Lausanne. © CIO Catherine Leutenegger
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : L’art entre dans les musées du sport