Pour sa troisième exposition à la Galerie Maria Lund, l’artiste présente son travail arachnéen sur toile.
PARIS - Arachnophobes s’abstenir. Si la langue française a des termes pour nommer ceux qui détestent les araignées, elle n’a pas de mot pour qualifier ceux qui les élèvent, comme Didier Boussarie. Le début de l’histoire date de ce jour où l’artiste (né en 1958) découvre qu’une araignée s’est installée près de l’évier de son atelier dans un rondin de bois creux. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit d’une tégénaire, soit l’une des plus grosses d’Europe. L’artiste commence à la nourrir. Et à la dessiner. « Elle tissait sa toile dans des cactus. En les vaporisant le soir pour leur donner leur humidité, je voyais ces perles d’eau sur les fils et j’ai eu envie d’en faire quelque chose », précise Boussarie. Sauf qu’au bout de trois ans, la bête s’est défilée, si l’on peut dire.
Boussarie en a adopté d’autres et en élève six aujourd’hui. « Un animal qui tisse pour vivre dans de la soie, c’est magnifique » précise-t-il. Citant Pascal Quignard et ses « solidarités mystérieuses », Boussarie a ainsi ce rapport de solidarité avec elles, il en prend soin puisqu’elles produisent ces toiles qu’il a délicatement récupérées, tendues dans des boîtes ou sur des châssis, et rehaussées d’encre noire. Comme un surlignage, fait à l’aide de points d’encre à la place des points de colle et sans doute un nouveau sens donné à l’expression « peindre sur toile ».
Cartographies complexes
Cent fois sur le métier (à tisser…) : répétant un geste d’une grande délicatesse, l’opération lui a donné du fil à retordre. Et des idées. Notamment celle de transposer la toile (d’araignée) en la peignant sur la toile (du peintre). D’une toile à l’autre en somme, et du ready-made au « prêt à peintre ». La translation n’est pas simple et s’apparente à de la haute couture. L’artiste doit reprendre à son compte le principe de maillage, de réseau, de fils, d’intersections, de lignes proliférantes, pour une construction qui n’est plus celle de l’araignée mais la sienne, qui l’entraîne selon le principe de la fuite en avant, sans marche arrière possible.
L’araignée n’a pas de remords : Boussarie non plus. Il est le premier piégé par ses filets, condamné à aller de l’avant avec son écriture automatique, génératrice de cartographies complexes et infinies. Dans un premier temps, il a juste laissé ses traits noirs sur fond blanc. Aujourd’hui, il lui arrive de peindre légèrement les fonds en bleu ou en jaune pâle. Histoire d’inventer des paysages à ses toiles, de leur donner des arrière-plans, des perspectives. Sa cote aussi est par nature à géométrie variable, en fonction de la taille des toiles exposées à la Galerie Maria Lund. D’un point à un autre, le prix peut aller de 950 euros à 6 200 euros pour les plus grandes acryliques sur toiles. En toute logique : la toile de peintre est plus chère que la toile d’araignée.
Nombre d’œuvres : 30 dont 8 toiles
Prix : entre 950 et 6 200 €
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Didier Boussarie tisse ses toiles
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 9 mai, Galerie Maria Lund, 48, rue de Turenne, 75003 Paris
tél.01 42 76 00 33
www.marialund.com
du mardi au samedi 12h-19h, marialund.com. Catalogue.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°433 du 10 avril 2015, avec le titre suivant : Didier Boussarie tisse ses toiles