MALAGA / ESPAGNE
Le musée parisien a inauguré un nouveau concept dans le sud de l’Espagne. Installée dans le vaste complexe portuaire récemment réaménagé, l’antenne de Málaga serait ouverte pour une durée limitée à cinq ans. La sélection des œuvres autour du thème du corps fait la part belle aux installations d’artistes contemporains français et aux œuvres immédiates.
MÁLAGA - Il ne pouvait y avoir d’autre date que celle du 28 mars 2015 pour l’inauguration du Centre Pompidou-Málaga. Il fallait que l’antenne du Centre ouvre pour la saison touristique qui démarre tôt dans cette partie de l’Espagne, mais, plus encore, il fallait que le sénateur maire en campagne pour sa réélection puisse participer aux festivités avant le délai de viduité. Málaga est l’une des rares villes détenue par le Parti populaire (PP) dans une Andalousie fief du Parti socialiste ouvrier espagnol, et le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy (PP), avait spécialement fait le déplacement pour, indirectement, soutenir un membre de son parti. Mais du côté français aussi cette date a permis à Alain Seban d’être présent avant l’expiration toute proche (1er avril) de son mandat de président du Centre Pompidou. Les médias étaient également venus en nombre pour rendre compte de ce nouveau lieu, et d’une forme inédite de partenariat. Car, à la différence de Metz (Moselle), le Centre Pompidou n’a pas vocation à s’installer en permanence à Málaga, la durée du contrat étant de cinq ans. Chacune des parties a cependant pris soin de laisser les options ouvertes pour la suite. Alain Seban aurait bien aimé multiplier les « Centre Pompidou provisoires » (CPP) sur la planète et ne voulait pas s’engager sur le long terme, les collections du Musée national d’art moderne (Mnam) n’étant pas extensibles. En revanche, en l’absence d’autres candidatures, les recettes apportées par la location des œuvres et des expositions à Málaga (évaluées entre 1 et 1,5 million d’euros par an) sont toujours bonnes à prendre. Du côté de l’État espagnol, propriétaire et gestionnaire des lieux, il faut au moins 250 000 visiteurs payants – ce qui n’est pas garanti – pour couvrir le coût annuel d’exploitation (4 millions d’euros). Aussi, un contrat de cinq ans laisse le temps de voir venir et d’étudier tous les scénarios.
L’enjeu n’est pas le même que pour la ville de Lorraine. Málaga compte cinq fois plus d’habitants que Metz (570 000 habitants), et surtout accueille 4 millions de touristes. La cité compte déjà plusieurs musées d’importance dont le Musée Picasso ouvert en 2003 ainsi que la Fondation Picasso installée dans la maison natale du peintre. Le « Cubo », du nom du cube de verre qui surmonte le bâtiment semi-enterré, est idéalement situé pour attirer le public. Il est installé à l’articulation de la vieille ville et de l’immense zone portuaire, dépourvue de charme et récemment réaménagée en usine à touristes où de gigantesques restaurants sans âme alternent avec de non moins gigantesques magasins. Le quai d’accueil des paquebots de croisière n’est pas loin non plus.
Un lieu pour le grand public
À Málaga plus qu’ailleurs, ce nouveau centre d’art a toutes les apparences d’un lieu de loisirs.
À l’intérieur, tout a été conçu pour gérer la foule. Un immense escalier descend dans le sous-sol où de grands volumes blancs se distribuent autour d’un puits de lumière surmonté du fameux cube, temporairement orné, dans un geste plus décoratif qu’artistique, de panneaux colorés de Daniel Buren. C’est ici que sont accrochées les 73 œuvres prêtées par le Centre Pompidou (plus deux venues du Musée Picasso de Paris) pour un accrochage qui sera renouvelé dans deux ans. Brigitte Léal, la directrice adjointe du Musée national d’art moderne (Mnam), en charge de l’exposition semi-permanente, a fort logiquement évité un parcours chronologique – trop contraignant pour les collections du Mnam –, au profit d’un accrochage thématique grand public sur le thème du corps. Un tel thème est susceptible de faire consensus auprès d’un public très diversifié. Mais la conservatrice parvient difficilement à surmonter l’écueil de l’équilibre entre les périodes. Déjà minoritaires en nombre (moins d’un quart), les œuvres d’avant guerre, de bon niveau sans être tous des chefs-d’œuvre, peinent à s’imposer visuellement, notamment face aux grandes installations d’art contemporain qui pourraient avoir été choisies en partie pour remplir l’espace.
Le parcours puise dans le réservoir des artistes français. Les installations d’Alain Séchas, de Christian Boltanski, d’Annette Messager, de Kader Attia ou de Djamel Tatah envahissent littéralement les lieux. Il ne s’agit pas ici d’offrir un résumé de l’art mondial, mais de « faire l’expérience du Centre Pompidou à travers la richesse de sa collection ». Nuance. L’exposition présente aussi de nombreuses vidéos dont les attributs « spaciophages » le disputent à leur dimension ludique (ainsi des 32 visages recomposés de Pierrick Sorin de It’s Really Nice). L’exposition temporaire du moment qui se déploie au premier niveau comprend elle aussi une série de vidéos, axées sur la danse, rappelant par-là la dimension pluridisciplinaire du Centre.
Sans le revendiquer, le Centre Pompidou a voulu bâtir une exposition grand public avec des œuvres accessibles à des touristes qui vont consommer les œuvres comme on mange une glace. De ce point de vue, c’est du bon travail.
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Le Centre Pompidou Málaga à l’heure espagnole
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tlj sauf mardi 9h30-20h
les 15 juin et 15 septembre 11h-22h
www.centrepompidou.es
Légende photo
Le Centre Pompidou Malaga. © Photo : J.-C. Castelain.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°433 du 10 avril 2015, avec le titre suivant : Le Centre Pompidou Málaga à l’heure espagnole