Exposées à la galerie Frank Elbaz, à Paris, les sculptures de Davide Balula jouent l’interaction avec le visiteur.
À la galerie Frank Elbaz, à Paris, Davide Balula (né en 1978 à Annecy) questionne la manière dont la sculpture peut se diffuser dans l’espace, sur le modèle des réseaux qui nous environnent.
Que sont précisément ces œuvres issues de la série intitulée « Coloring the Wifi Network » (2015), et comment fonctionnent-elles ?
Il s’agit d’une série de sculptures qui sont des antennes connectées à des routeurs. Chaque antenne émet sur le réseau Wifi une couleur qui lui est propre, ce qui crée une multitude de réseaux qui sont diffusés dans le lieu d’exposition et au-delà. Suivant les configurations de l’espace, le signal émis par l’antenne traverse les murs et les corps comme n’importe quel signal Wifi. Je considère donc que la sculpture n’est pas seulement l’antenne, mais aussi le réseau qu’elle produit et bien entendu tout ce qui est diffusé dans l’espace, la présence d’un spectre de couleurs que l’on peut percevoir et mesurer avec son téléphone, une tablette ou un ordinateur.
Que se passe-t-il sur le téléphone ?
Sur la liste des réseaux disponibles apparaissent des noms de couleurs mélangés aux réseaux personnels, en nombre équivalent à celui des sculptures présentées dans la galerie. Dans la salle d’exposition principale sont visibles les couleurs des œuvres accrochées ici, mais débordent également les couleurs en provenance de la salle d’à côté ; on est dans un mélange permanent. Et sélectionner un réseau fait s’afficher sur l’écran la couleur et les informations relatives à l’œuvre.
Qu’est-ce qui définit la forme et la couleur de chacune des œuvres ?
Il y a plusieurs types d’œuvres. La couleur est complètement arbitraire et choisie aussi pour être différente de celle d’à côté. Leur forme est basée sur un mouvement dans l’espace qui est inspiré par les déplacements, sur le principe des captures de mouvements, c’est-à-dire qu’à différents intervalles de temps sont enregistrées les positions dans l’espace en fonction de la vitesse. Les déplacements sont marqués par des points qui sont ensuite reliés, ce qui constitue toutes sortes de tracés.
Une sorte d’interaction se crée avec le spectateur qui va aller chercher cette couleur, mais en même temps il n’y a pas de mise en réseau puisque l’Internet n’est pas opérationnel. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce décalage ?
C’est en effet une question intéressante car, pour moi, il est important que l’aspect de l’interaction soit quelque chose de très primaire. Je crois que l’interaction réside plus dans le fait que notre corps soit traversé par l’onde émise par la sculpture, ce qui rejoint celle qui est en cours tous les jours lorsque avec votre téléphone dans la poche qui rayonne à travers votre jambe. C’est principalement cet échange-là qui est intéressant et présente peut-être le plus d’interactions, une espèce de pénétration entre différents points. Concernant la question du réseau, ce qui m’intéresse c’est une individualité, le caractère éventuellement libre de chaque couleur et de chaque sculpture. Ce qui les relie, c’est qu’elles partagent toutes le même espace avec leur identité propre tout en étant sur des fréquences différentes.
Une question connexe à ce projet est celle de la perte de contrôle. Intervient-elle ici ?
Oui, mais c’est très compliqué car la perte de contrôle se produit à partir du moment où on lâche quelque chose. Quand quelque chose sort de ma bouche, ce n’est déjà plus ma bouche mais c’est à vous d’essayer de comprendre ce que j’essaye de dire, et je crois qu’il y a toujours quelque chose de cet ordre-là dans mon travail. Même dans mes œuvres qui prennent d’autres formes, il y a toujours la nécessité d’établir un cadre, qui peut-être simplement mettre en place une phrase avec des mots que j’aurais choisis. Et à l’intérieur de cette phrase il peut se passer beaucoup de choses, des réactions de la matière par exemple. Je pense au River Paintings notamment, où il s’agit simplement de récolter ce qui a été déposé pendant la durée de l’exposition de la toile dans une rivière. C’est donc toujours ce contrat-là que l’on essaye de contrôler, ce qui intervient de toute façon malgré vous ; dès lors que quelqu’un d’autre s’intéresse au sujet, c’est comme pour l’analyse de données, il s’agit déjà d’un travail d’interprétation.
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Davide Balula « La sculpture : une antenne et le réseau qu’elle produit »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 28 mars, galerie Frank Elbaz, 66, rue de Turenne, 75003 Paris
tél.01 48 87 50 04
www.galeriefrankelbaz.com
tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : Davide Balula « La sculpture : une antenne et le réseau qu’elle produit »