Politique

Une liberté de création différée

Le projet de loi Création encore retardé

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 10 mars 2015 - 655 mots

PARIS

Alors que des artistes se mobilisent, l’examen du projet de loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, est reporté à la rentrée. Non sans audace, le CAAP a proposé 9 amendements.

PARIS - Le « grand » projet de loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dont Le Journal des Arts avait révélé [lire le JdA no 427, 16 janvier 2015] le peu d’intérêt porté aux arts plastiques dans la version actuelle du texte, est une nouvelle fois reporté. Fusion de plusieurs projets qui auraient dû éclore l’an passé, le projet de loi, annoncé pour être présenté en Conseil des ministres en mars, ne sera discuté au mieux qu’à la rentrée prochaine. Victime collatérale d’un calendrier parlementaire embourbé ces derniers temps par l’étude du projet de loi pour la croissance et l’activité, dit projet de loi « Macron », priorité actuelle de l’exécutif, le présent projet a été reporté sine die par le Premier ministre devant la mission de concertation sur l’intermittence, le 12 février.

Un ministère muet
La Rue de Valois demeure, quant à elle, muette sur le sujet. Aucune allocution, aucun communiqué, aucune prise de position. Seule référence bien terne entendue lors des vœux à la presse de la ministre de la Culture en janvier, l’affirmation par le gouvernement de son « attachement à la liberté de création et aux principes fondateurs qui placent la culture au cœur du pacte républicain de notre pays ». Soit, mais depuis lors et malgré le report du projet de loi, Fleur Pellerin n’a rencontré qu’un seul représentant du secteur des arts plastiques, Emmanuel Tibloux, président de l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdEA), le 19 février.

Pourtant le ministère est sollicité, en témoignent les lettres adressées par le groupe Économie solidaire de l’art (1), créé à l’été 2014 à l’initiative de quatre artistes afin d’améliorer la situation économique des artistes plasticiens, conjointement avec un collectif de structures professionnelles d’auteurs, parmi lesquelles le Comité des artistes-auteurs plasticiens (CAAP), particulièrement mobilisé. Non sans audace et à rebours des pratiques habituelles, le CAAP a proposé, le 22 février, neuf amendements à l’avant-projet. Formulés selon les codes propres à l’activité parlementaire – et aux cabinets d’affaires publiques –, ces amendements clefs en main soutiennent des revendications variées, développées dans chaque « exposé sommaire ».

Corpus de propositions
Jouant la carte de la représentativité professionnelle, le Comité soumet l’idée de « barèmes minima de rémunération par mode d’exploitation des œuvres » négociés par secteurs d’activité et pouvant être rendus obligatoires par arrêté.

Autre proposition séduisante, l’extension du champ de compétence du futur médiateur de la musique aux arts visuels : le texte rappelle que seuls les tribunaux de grande instance ont compétence en matière de litiges liés à la propriété intellectuelle, ce qui impose alors une représentation par le biais d’un avocat et un coût corrélatif pour les plasticiens. La voie de la médiation ne peut qu’être encouragée.

D’autres mesures sont également proposées en vue de remédier à la situation bien délicate du régime social des artistes-auteurs, enjeu majeur et pourtant oublié par l’avant-projet de loi. Est encore évoquée la création d’un fonds de soutien à la création, inspiré des autres secteurs culturels. En revanche, la demande de gratuité  d’entrée dans les musées de France, aussi légitime soit-elle, étonne au sein de ce corpus de propositions bienvenues et visant à corriger la copie de l’exécutif.

L’actuelle mobilisation gagnerait à être soutenue par l’ensemble des acteurs des arts plastiques, des autres professions et organisations aux centres de diffusion, afin de rappeler que la liberté de création est un enjeu majeur pour tout le secteur. Le report de la présentation du projet de loi offre ainsi une dernière chance de renouer le dialogue interrompu depuis les discussions sur l’ancienne version du texte, chance que le secteur doit saisir pour que les arts plastiques ne soient plus oubliés.

Légende photo

Le ministère de la Culture - Paris - 2015 © photo Ludosane

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : Le projet de loi Création encore retardé

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