Espérés pour aider à forger une identité européenne, les musées sur l’Europe sont encore trop peu nombreux.
En vingt-cinq ans, une dizaine seulement de musées de l’Europe, c’est-à-dire « des musées de société qui ont pour thématique principale l’Europe » a vu le jour dans l’UE. Cette « efflorescence » – pour reprendre la jolie expression de l’auteur de cet ouvrage qui leur est consacré – justifie qu’on s’y intéresse pour comprendre justement pourquoi il n’y en a pas plus ! L’interrogation est d’autant plus légitime que l’Europe souffre d’un déficit d’adhésion que de tels lieux pourraient aider à combler.
Premier constat : il n’y a pas de musée, à l’instar des grands musées de beaux-arts avec un bâtiment monumental et des collections anciennes, qui embrasserait toute l’histoire de l’Europe. Ce n’est que l’an prochain, à Bruxelles que devrait voir le jour enfin un tel musée soutenu par le Parlement européen. Et encore… la Maison de l’histoire européenne (c’est son nom) se concentrera surtout sur le XXe siècle et l’intégration européenne. Les autres institutions sont soit des « recyclages des musées d’arts et traditions populaires [ATP] », le MuCEM en est un bon exemple (constitué à partir des collections des ATP), soit des musées d’histoire nationale reconvertis comme le sont le Deutsches Historisches Museum ou le Museum Europäischer Kulturen. Dans ces deux catégories, il s’agit pour leurs promoteurs de sortir d’un objet trop national qui renvoie à la question hautement inflammable de l’identité. L’Historial de la Grande Guerre à Péronne, relève, lui, d’une volonté de présenter un événement commun à plusieurs pays sans parti pris national.
Un nouveau théatre d’affrontement
Une des raisons expliquant le faible nombre de ces musées se trouve dans la difficulté d’articuler un discours consensuel sur la représentation de l’Europe. De quand date l’Europe ? Peut-on l’assimiler à la culture chrétienne ? Qu’y a-t-il de commun entre la Lituanie et le Portugal ? Voici quelques-unes des questions objets « d’un nouveau théâtre d’affrontement » entre les porteurs de projets. Dès lors, compte tenu de la diversité de l’UE, le « poids du local », c’est-à-dire l’endroit où est envisagé le musée de l’Europe pèse fortement sur son positionnement. Le MuCEM de Marseille se tourne naturellement vers la Méditerranée, tandis que les deux musées d’histoire allemands ont été les premiers, compte tenu du proche passé, à prendre une dimension européenne.
Avec un art de la formule qui éveille l’intérêt, Camille Mazé ouvre « la boîte noire » de la construction de ces musées, aboutis ou non. Son ouvrage, issu d’une thèse de doctorat en porte les qualités et les défauts. Il est particulièrement détaillé et descriptif, avec 40 pages de notes et on peut parfois lui reprocher de généraliser à partir d’un corpus limité. La présence de nombreux témoignages dans leur jus apporte une touche décontractée au milieu d’un texte très bien écrit. Centré sur l’histoire de ces musées, le texte rédigé par une universitaire anthropologue questionne l’identité européenne et décrit en creux l’histoire de la politique culturelle européenne ou plutôt de son absence, par manque d’institutions communautaires ad hoc.
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L’Europe en panne de musées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : L’Europe en panne de musées