Pays-Bas - Foire & Salon

Objets et mobiliers anciens

Une représentation inégale

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 25 février 2015 - 987 mots

Si Tefaf est incontournable pour les marchands de peinture ancienne, elle n’est pas toujours la plus adaptée aux autres domaines d’art ancien, malgré le nombre important d’exposants.

Mobilier et objets d’art se côtoient dans la section « Antiques » [Ancien], de loin la plus vaste de la foire (108 exposants) à laquelle s’ajoutent les antiquités classiques (archéologie), composées de douze marchands. Très éclectique, il n’y manque plus aucune spécialité. Mais ces dernières ne sont pas toutes logées à la même enseigne. La plupart sont disséminées à travers la foire sur des stands généralistes, certaines sont sous-représentées, comme en armes anciennes où il n’y a qu’un marchand (Peter Finder), en horloges et pendules ou encore en art de l’Islam (qui accueille Corinne Kevorkian et Amir Mohtashemi) ; tandis que d’autres forment de véritables salons dans le salon, tant elles concentrent les meilleurs marchands.

De l’art médiéval à l’archéologie
C’est le cas de l’art médiéval. Pour Marie-Amélie Carlier, directrice de la galerie Brimo de Laroussilhe, « Tefaf est la foire où nous nous retrouvons pour ce domaine. Ainsi, les collectionneurs et conservateurs s’y déplacent en nombre, car ils savent qu’ils vont avoir une vision plus large d’un marché qui, lui, est très étroit ». « À la Biennale de Paris, il n’y a plus d’art médiéval car elle draine une clientèle internationale de nouvelle richesse qui ne s’intéresse pas à ce domaine pointu », souligne un connaisseur du marché. Pour l’occasion, la galeriste a apporté un ensemble de pièces du gothique international dont une sculpture de Prophète, par le Maître du Retable d’Hakendover, Bruxelles, vers 1400. Sam Fogg (Londres) expose un groupe de sculptures dont une figure de Saint Jean-Baptiste, en marbre, « sculptée par l’un des principaux artistes parisiens du XIVe siècle, Robert de Lannoy », indique le marchand. La galerie Les Enluminures (Paris) présente un livre de prières comportant quatorze gravures de Dürer, colorées à la main, début XVIe (prix à six chiffres).

L’archéologie bénéficie aussi d’une solide section, puisqu’ils sont douze à la représenter. La galerie Cybèle (Paris) montre un couvercle de sarcophage, Égypte, 751 av. J.-C. (220 000 euros) ; Rupert Wace (Londres) dévoile un panneau égyptien de plus de 4 000 ans qui a conservé des traces de polychromie, du sarcophage de Hathorhotep (ancienne collection du Pasha Sayyid Khashaba, 360 000 euros) ; quant à la galerie Merrin (New York), elle expose une situle grecque en bronze du IVe siècle (500 000 euros). Spécialiste également en art précolombien, elle dévoile une figure de Xipe Totec, 600-1 200 ap J.-C. Dieu du renouveau de la nature, il est associé à un rite macabre et porte la peau du sacrifié (2 millions d’euros).

Pour les objets d’art appartenant à d’autres catégories, Tefaf est tout aussi incontournable. Visitée par les collectionneurs et conservateurs les plus importants de la planète – même si les chefs-d’œuvre se raréfient – les marchands ont tout intérêt à y dévoiler leurs plus belles trouvailles. La galerie Kugel, qui réserve ses plus belles pièces pour le vernissage, montre un encrier en malachite et vermeil, réalisé en 1819 pour Nicolas Demidoff par Jean-Michaud Labonte (certainement le sous-traitant d’une commande faite à Blaquière). En matière de céramique, Aronson Antiquairs (Amsterdam), propose une théière en faïence de Delft, à fond brun, plus rare encore que les pièces à fond noir, tandis que Caviglia (Suisse), expose un vase en porcelaine tendre de Vincennes à anses dauphins et fond bleu céleste, vers 1755, probablement commandé pour le Dauphin (240 000 euros). Côté orfèvrerie, Koopman Rare art (Londres) révèle une paire de candélabres richement sculptés (1822), exécutés par Paul Storr pour le service Sampaio. Pour l’art tribal, la galerie Meyer propose une sélection d’art polynésien dont une massue finement gravée, Archipel des Tonga. En art asiatique, Rossi & Rossi met à l’honneur une figure de Vajradhara du XVIe en cuivre doré (1,7 million d’euros), tandis que Ben Janssens expose un bronze rituel gui, Chine, XIe ou Xe siècle av. J.-C. vendu autour de 280 000 euros.

Quelques antiquaires absents
En mobilier ancien, un certain nombre de poids lourds ne figurent pas sur la liste. Les galeries Aveline, Perrin et Kugel sont certes présentes, mais les galeries Kraemer, Steinitz, François Léage, Gismondi ne s’y rendent pas ou plus. Pourquoi cette défection ? « J’ai le sentiment que la clientèle fait le déplacement surtout pour les tableaux. Dans notre domaine, le mobilier ancien d’exception, ce n’est pas la foire principale. Notre cœur de clientèle est à Londres », explique Laurent Kraemer (galerie Kraemer, Paris). Pour Benjamin Steinitz, qui ne s’y rend plus pour cause d’emplacement malheureux, « Tefaf est formidable si l’on est placé dans l’allée centrale et spécialiste des tableaux et objets d’art. Mais si on se prétend être la meilleure foire au monde et que l’on veut être représentative du mobilier ancien, c’est un peu surréaliste de ne pas nous y faire participer. Plus nous sommes nombreux dans un domaine, plus nous sommes forts ». « Ce n’est pas le nombre d’antiquaires qui fait la qualité de l’exposition, mais c’est la qualité de chaque exposant », rétorque Marella Rossi (galerie Aveline) qui montre une paire de fauteuils de Pierre Garnier en acajou, provenant vraisemblablement de la commande du marquis de Marigny pour son hôtel de Massiac, place des Victoires à Paris (autour de 150 000 euros) ainsi qu’une commode en marqueterie d’Adrien Delorme, d’époque Louis XV (ancienne collection Rothschild). La galerie Perrin présente un bureau plat de Simon Oeben, vers 1770 (au-delà de 500 000 euros). « Très architecturé et richement ornementé, il évoque un meuble de commande », commente la galerie. Chez Carlton Hobbs (New York), on peut admirer un buffet bas réalisé pour le Pavillon Royal, à Brighton, pour le futur roi Georges IV, à panneaux de porcelaine de la famille rose, dans la manière de John et Frederick Crace, tandis que Mallett (Londres), expose un fauteuil en ivoire de Dieppe dont peu de modèles sont connus.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Une représentation inégale

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