Politique

Union Européenne

Une nouvelle loi sur la restitution des biens culturels

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 720 mots

De nouvelles dispositions viennent étayer le mécanisme de restitution des biens ayant illicitement quitté le territoire d’un État membre de l'Union Européenne.

Prenant acte de vingt ans d’application de la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993, l’Union européenne avait procédé à sa refonte, relevant son application peu fréquente « en raison notamment de son champ d’application restreint » et « de la brièveté des délais impartis pour engager des actions en restitution et des coûts liés à ces procédures de restitution ». La transposition en droit interne de la directive européenne 2014/60, du 15 mai 2014, relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre aura été expresse. Bénéficiant de la transposition de deux autres directives, la présente directive modifiant celle du 15 mars 1993 vient de prendre corps avec la promulgation de la loi du 20 février 2015.

La définition des trésors nationaux, envisagée à l’article L. 111-1 du code du patrimoine, est réécrite : « Sont des trésors nationaux :
1) Les biens appartenant aux collections des musées de France ;
2) Les archives publiques, au sens de l’article L. 211-4, ainsi que les biens classés comme archives historiques en application du livre II ;
3) Les biens classés au titre des monuments historiques en application du livre VI ;
4) Les autres biens faisant partie du domaine public mobilier, au sens de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
5) Les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie ».


Une forte extension du champ d’application de la notion est ainsi opérée avec la prise en considération du domaine public mobilier et des archives publiques. L’action en restitution du bien, qui se prescrivait initialement dans un délai d’un an à compter de la date de prise de connaissance de l’État requérant du lieu où se trouvait le bien et de l’identité de son possesseur/détenteur, est désormais portée à un délai de trois ans. Le point de départ du délai est également précisé.

Les diligences doivent être prouvées
Et si la restitution est toujours ordonnée par le tribunal compétent de l’État requis lorsque les conditions sont remplies, un bouleversement a lieu au stade de l’indemnisation. En effet, une indemnisation est due par l’État requérant au possesseur, si la preuve de la « diligence requise » est apportée. Désormais, et aux termes de deux nouveaux alinéas ajoutés à l’article L. 112-8, la diligence requise est strictement définie et impose tant au possesseur qu’aux intermédiaires du marché de l’art des vérifications poussées. Ainsi, « Pour déterminer si le possesseur a exercé la diligence requise, il est tenu compte de toutes les circonstances de l’acquisition, notamment de la documentation sur la provenance du bien, des autorisations de sortie exigées en vertu du droit de l’État membre requérant, de la qualité des parties, du prix payé, de la consultation ou non par le possesseur de tout registre accessible sur les biens culturels volés et de toute information pertinente qu’il aurait pu raisonnablement obtenir ou de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances ».

La bonne foi, ici absorbée par la notion de diligence requise du possesseur n’est plus présumée, elle doit être prouvée. Ce renversement de la charge de la preuve en matière de possession mobilière avait jusqu’alors empêché toute ratification de la convention Unidroit de 1995 par la France. L’indemnité, quant à elle, ne sera versée qu’à la restitution du bien et à condition que les diligences requises aient été effectuées, abaissant ainsi virtuellement les coûts supportés par les États lors d’une telle procédure. Enfin, si le bien a été licitement exporté, en raison d’une autorisation de sortie temporaire, mais que les conditions requises n’ont pas été respectées, les mécanismes de restitution lui seront désormais applicables.

Annoncée en Conseil des ministres pour mars prochain, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine viendra compléter ces mécanismes. La notion d’archives publiques sera réécrite ainsi que son régime et le code du patrimoine modifié notamment en ce qui concerne les demandes de certificat d’exportation et les contraintes attachées à la qualification de trésor national. Les intermédiaires du marché se devront d’être encore plus vigilants qu’auparavant.

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La comission européenne, Bruxelles © Europa

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Une nouvelle loi sur la restitution des biens culturels

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