Des estimations trop fortes et des œuvres vues sur le marché ont pénalisé les ventes new-yorkaises de tableaux anciens.
NEW YORK - Les estimations des tableaux anciens, tant chez Christie’s que chez Sotheby’s, étaient extrêmement élevées pour cette session new-yorkaise de janvier. Or, « si le marché est très fort pour les bons tableaux anciens, ce n’est pas un marché de spéculateurs, alors, quand les maisons prennent des risques non mesurés, le marché ne suit pas, quelle que soit l’école », explique Éric Turquin, expert en tableaux anciens. Voilà pourquoi les deux ventes de prestige ont récolté une somme deux fois moindre que l’an passé (66 millions de dollars), et subi beaucoup de casse chez Christie’s. Sa vente du 28 janvier n’a ainsi totalisé que 9,3 millions de dollars frais compris (1) (8,2 millions d’euros), alors que 25 à 39 millions en étaient attendus. Sur les 54 lots, 32 n’ont pas trouvé preneur, soit 60 %. C’est le plus mauvais résultat de la maison de ventes dans cette discipline depuis 2002. Son lot phare, Garçon épluchant un fruit, annoncé comme étant de la main du Caravage, étonnamment peu cher (estimation 3 à 5 M$) n’a pas convaincu et est resté sur le carreau. « Personne n’y croyait », a commenté Éric Turquin. De même, Une joyeuse compagnie, de Theodoor Rombouts (est. 2 à 3 M$), ne s’est pas vendue faute d’enchère. En parfait état de conservation, jamais vue sur le marché car conservée dans la même famille depuis le XVIIIe siècle, l’œuvre était estimée bien trop haut pour cet artiste. « On ne peut pas inventer un prix. Le marché des tableaux anciens est un marché de connaisseurs qui ne se laissent pas tromper. »
Cette vacation compte tout de même quelques rescapés, ainsi Patineurs sur une rivière gelée, de Salomon van Ruysdael (est. 800 000 dollars à 1,2 million de dollars) et Mademoiselle d’Orléans prenant une leçon de harpe, par Jean Antoine Théodore Giroust, artiste quasiment inconnu (est. 500 000 à 700 000 dollars), ont été vendus chacun 1,4 million de dollars. Christie’s s’est consolée avec sa vente Renaissance dont le résultat est de 15,7 millions de dollars, un chiffre en dessous de son estimation basse (17 millions), grâce à la vente d’un Portrait de jeune homme avec un livre, par Agnolo Bronzino ; celui-ci a atteint 9,1 millions de dollars (est. 8 à 12 millions), un record pour l’artiste. Passé en vente en janvier 2013, il n’avait pas trouvé preneur sur une estimation plus élevée (12 à 18 M$).
Sotheby’s, succès relatif
Sotheby’s avait également pris des risques, mais plus calculés que sa concurrente. Pour sa vente de prestige du 29 janvier, la maison de ventes a engrangé 57 millions de dollars (50,3 millions d’euros), un montant dans la fourchette basse de son estimation initiale (54 à 77,6 M$). Souvent, les tableaux ont été adjugés à la limite de leur estimation plancher, déjà très élevée ! Tel est le cas de plusieurs lots issus de la collection Safra, achetés à un prix très élevé il y a une quinzaine d’années. Une marine en grisaille de Willem Van de Velde l’Ancien a atteint le prix de 5,4 millions de dollars, un record pour le peintre (est. 2 à 3 M$). En 1998, ce tableau avait été vendu 1,1 million de dollars, ce qui était déjà élevé à l’époque pour cet artiste qui n’est pas le plus recherché des Van de Velde. « C’est une bonne nouvelle pour le marché car ce tableau a multiplié par 5 son prix en quinze ans », note Éric Turquin. Pari risqué mais gagné également pour Rivière gelée au coucher du soleil, d’Aert van der Neer, adjugée 4,7 millions de dollars (est. 4 à 6 millions), un tableau poétique dans un bel état, adjugé 2,3 millions de livres (3,7 M$) en 1997 chez Christie’s Londres. En revanche, la Vue de Londres par Canaletto est restée invendue (est. 4 à 6 M$). Mais la plus belle surprise de la semaine revient à La Cathédrale de Salisbury par John Constable adjugée 5,2 millions de dollars (est. 2 à 3 millions), alors qu’elle avait été acquise le 10 juillet 2013 chez Christie’s Londres pour 3 500 livres (5 215 dollars) et indiquée comme « suiveur de John Constable ». À signaler aussi, le bon résultat de la vente du stock du spécialiste renommé des primitifs italiens Fabrizio Moretti, qui a cédé 29 lots sur 31, récoltant 6,4 millions de dollars. Peu de primitifs italiens passant actuellement sur le marché, les amateurs n’ont pas laissé passer l’occasion.
Christie’s, le 28 janvier
Résultat : 9,3 M$ (8,2 M€)
Estimation : 25,7 à 39 M$
Taux de vente : 40 %
Sotheby’s, le 29 janvier
Résultat : 57 M$ (50,3 M€))
Estimation : 54 à 77,6 M$
Taux de vente : 70,2 %
(1) comme tous les prix indiqués (les estimations étant hors frais).
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Paris risqués, paris perdus
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°429 du 13 février 2015, avec le titre suivant : Paris risqués, paris perdus