En célèbrant l’architecture sacrée contemporaine en France, ce reportage photographique unique rappelle la nécessité de valoriser et protéger notre patrimoine religieux bâti.
Patrimoine sacré est une invitation à (re)découvrir soixante bâtiments religieux édifiés en France durant un siècle et toutes confessions confondues. Les églises et cathédrales côtoient les synagogues, temples et mosquées dessinés, pour certains bâtiments, par les plus grands architectes des époques concernées : Hector Guimard, Le Corbusier, Auguste Perret, Claude Parent, Marcel Lods… autant de noms, parfois inattendus, qui se sont investis dans l’édification de ces lieux. En préambule de l’ouvrage, l’auteur Paul-Louis Rinuy a convoqué le point de vue de quatre experts des questions religieuses, (tel que par exemple le docteur Dalil Boubakeur, recteur de l’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris, pour le plus connu), permettant ainsi au lecteur d’évaluer la place de l’architecture dans l’exercice de chacun des cultes : « L’architecture protestante au XXe siècle ne se caractérise pas par des réalisations exceptionnelles, pour des raisons à la fois théologiques et pratiques », explique Jérôme Cottin, professeur à la faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg.
Pierre-Louis Rinuy, professeur à l’Université Paris 8, directeur du département d’Arts plastiques et membre de l’Équipe de recherche Esthétique, pratique et histoire des arts (EPHA) et passionné d’architecture à dimension spirituelle, n’a pas manqué de mettre en avant les œuvres des nombreux artistes qui furent à l’occasion associés à ces constructions comme Pierre Bonnard, Henri Matisse, Fernand Léger ou encore Marc Chagall…
C’est avec le photogaphe Pascal Lemaître, lequel collabore régulièrement avec le Centre des monuments nationaux, que Pierre-Louis Rinuy a mené ce travail de compagnonnage. Le regard aguerri de Pascal Lemaître s’était déjà penché sur des lieux méconnus du patrimoine bâti, tels que l’architecture fluviale ou encore celle des sanatoriums.
Une diversité religieuse favorisée par la laïcité
Aussi le livre, en gestation depuis une dizaine d’années, relève-t-il d’un investissement profond de ses protagonistes pour le sujet, d’autant plus que le photographe n’est autre que le fils de Joseph Pichard fondateur de la revue L’Art sacré en 1935, (laquelle promouvait la grande tradition artistique de l’église) et à qui il dédie ce livre. Chronologique, ce dernier est cadré dans le temps de manière très précise : le point de départ est l’année 1905, date à laquelle le XXe siècle commence pour l’histoire de la France religieuse. « La France, qui se disait naguère fille aînée de l’Église catholique, est devenue en un siècle une terre nouvelle de pluralité religieuse, une véritable mosaïque de l’ensemble des spiritualités et religions qui existent de par le monde. Elle doit cette ouverture notamment à l’esprit de laïcité qu’a instauré, d’une manière unique parmi les autres nations, la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État stipulant que “la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte“ », écrit l’auteur dans le sommaire.
Cette loi sur la laïcité aura de sérieuses conséquences, puisque désormais chaque confession devra subvenir à ses propres besoins. Et pourtant, les constructions ne cesseront pas et les trois parties qui structurent l’ouvrage (1905-1940 ; 1940-1980 ; Depuis 1980) en expliquent clairement les origines. Ces dernières trouvent à être détaillées dans les notices accompagnant chacun des projets. Ainsi, l’église Notre-Dame-de-la-consolation au Raincy, édifiée entre 1922 et 1923 par les frères Perret, marque la naissance de l’architecture moderne et ses techniques du béton tout en commémorant les événements funestes de la Première Guerre mondiale. Elle devait être édifiée à l’endroit même d’où partirent en 1914, les taxis de la Marne. L’ouvrage est l’occasion de découvrir des réalisations moins connues telle que l’église Saint-Éloi dans le 12e arrondissement de Paris, conçue entièrement en métal par Marc Leboucher en 1968, en référence à l’activité ancienne du quartier tournée vers la métallurgie. Les soixante constructions démontrent le caractère vivant de ce patrimoine magnifié par un reportage photographique de grande qualité, pour le plaisir du lecteur, mais qui gomme néanmoins le fait que c’est un patrimoine qui s’abîme. Ne revendiquant aucunement l’exhaustivité, ni le statut de guide, le livre est une invitation à voyager. On peut y lire néanmoins en filigrane à quel point la valorisation et la protection de ces œuvres sont importantes.
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Un siècle d’art sacré
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Abonnez-vous dès 1 €Paul-Louis Rinuy, Patrimoine sacré XXe-XXIe siècle, photographies de Pascal Lemaître, Éditions du Patrimoine, centre des monuments nationaux, 232 pages, 45 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : Un siècle d’art sacré