Peu connue en France malgré une carrière internationale, l’artiste italienne présente chez Jousse Entreprise un exemple de ses ensembles composites autour de la figure du gorille.
PARIS - Si elle est loin d’être une inconnue, Elisabetta Benassi, artiste romaine née en 1966, n’a pas fait l’objet d’exposition personnelle en France sinon celle, significative, du Crac Alsace (« Smog à Los Angeles », fin 2013). Le Frac PACA a acquis en 2011 un ensemble de trois pièces. La galerie Jousse-entreprise l’a invitée pour une première exposition dans ses murs et dans la perspective, revendiquée par la galerie, de la compter désormais dans les artistes de son écurie. C’est bien sûr une démarche singulière que d’introduire sur le marché parisien une artiste à la fois nouvelle, mais qui a déjà un bel itinéraire international à son actif : la Biennale de Venise pour le pavillon italien en 2013, l’Arsenal en 2011 et en 2015 dans le pavillon belge, au Castello di Rivoli en 2011, à Vienne (Wiener Secession ) en 2010, mais ailleurs en Europe ou de l’autre côté de l’Atlantique. Elle est aussi présente dans nombre d’expositions collectives en France à la Maison Rouge, au Centre Pompidou et dans des programmes de galeries parisiennes, souvent dans le off de la Fiac, à la Random Gallery en 2005 (Air de Paris et Praz-Delavallade) ou chez Michel Rein dès 2000, souvent au sein de programmations vidéos – puisque c’est une des formes prise par son travail – mais aussi à ArtBasel en 2009 dans le cadre d’Art Unlimited, elle est représentée par la galerie romaine Magazzino.
C’est d’ailleurs en relation avec celle-ci que la galerie montre aujourd’hui un ensemble consistant de pièces qui offrent un juste aperçu de l’hétérogénéité formelle et de la densité du travail d’Elisabetta Benassi. En mettant en jeu une mémoire collective du passé proche, de l’histoire – petite et grande – du XXe siècle, tels que les différents régimes de l’image (presse et archive) et le document qui la fabriquent, elle créée des ensembles composites, où la photographie, l’image imprimée reprise, déplacée, l’installation d’ordre sculpturale et bien sûr la vidéo (ou des installations aussi) parfois se combinent, formant des cycles ou des chapitres de travail. Ceux-ci sont évidemment à leur place dans les expositions institutionnelles, mais leurs éléments sont souvent autonomes, réalisés avec une délicatesse et une finesse formelles, et dans des échelles variées qui leur permettent très bien une existence isolée, au sein de collections privées. D’autant que leur manière de rendre subjectif par ce qui tient souvent d’une extrapolation fine les signes de l’histoire leur donne une forme de familiarité attachante.
Refaçonner une expérience sensible
Ainsi à la galerie Jousse, le parcours fait lien entre des « personnages » avec la figure d’animalité du gorille comme centrale. Pas de n’importe quel gorille : Bushman était une vedette du zoo de Chicago de 1931 à 1951. Un rien caractériel, il incarnait une figure populaire de sauvagerie domestiquée : il est présent dans l’accrochage sous forme d’un grand tirage d’un beau noir et blanc de type très années 1950, puisque l’artiste a travaillé sur un négatif d’époque, de 2,30 mètres de haut librement accroché (That’s me in the picture, deux exemplaires et une épreuve d’artiste, 12 000 €, qui donne son titre à l’exposition). Elle a son pendant qui fait face au visiteur à l’entrée de la galerie, le portrait sous un masque de glace d’un explorateur polaire des années 1930 rescapé (mêmes spécifications) et un film de chasse au gorille remonté. Si une grande sculpture métallique, métaphore de l’enfermement, et d’autres pièces dans la dernière salle évoquent le gorille de Chicago, l’attention sensible de l’artiste se dévoile en particulier dans la séquence indissociable de seize planches des « Instructions for the operation and the care of the Akeley camera », (pyrogravure sur bois exotique, 28,7 par 24,5 sous cadre individuel, pièce unique, 16 000 €) qui évoque par la transposition du manuel du naturaliste explorateur Carl Akeley, qui travailla dans les années 1920 à produire un imaginaire de la vie naturelle mise en scène ou en image. Plusieurs petits formats viennent compléter le parcours : ce sont les versos chargés d’information de photos d’archive documentaires collectionnées par l’artiste reproduites à l’aquarelle (environ 40 x 50 cm, 5 000 € pièce). Philippe Jousse précise avoir engagé une relation à long terme avec l’artiste, confiant qu’avec les prix identiques à ceux de la galerie romaine, les collectionneurs parisiens verront, avec le temps s’il le faut, l’importance de l’artiste romaine se confirmer.
Nombre d’œuvres : 11
Prix : entre 5 000 et 45 000 €
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L’histoire relue par Elisabetta Benassi
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 28 février 2014, galerie Jousse-entreprise, 6 rue Saint Claude 75003 Paris, www.jousse-entreprise.com, 0 1 53 82 10 18, mardi-samedi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : L’histoire relue par Elisabetta Benassi