Aventures

Douze histoires d’œuvres

Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2014 - 465 mots

Récits rocambolesques, vols, pillages, petites trahisons : l’histoire de certains chefs-d’œuvre dépasse parfois la fiction.

Un Van Gogh au poulailler : dès le titre, le ton est donné. Maureen Marozeau, rédactrice au Journal des Arts, s’est attachée à retracer l’histoire de certains chefs-d’œuvre aujourd’hui confortablement installés dans la sécurité des collections auxquelles ils appartiennent. Point de visée scientifique ici mais « une balade dans les coulisses du monde de l’art » que l’auteure connaît bien.

Sans prétention, mais se révélant au final très érudit dans ses sources, le voyage auquel le lecteur est convié l’entraîne sur les chantiers de fouilles de Tell el-Amarna (Égypte) en décembre 1912, lors de la découverte du buste de Néfertiti, mais aussi dans la mine de sel d’Altaussee en Autriche, où les nazis avaient enterré d’innombrables chefs-d’œuvre en 1944, en passant par le parc de Versailles où dormit pendant des siècles un chef-d’œuvre du Bernin…

Dépassant le cadre de l’anecdote, les aventures des douze œuvres sélectionnées sont l’occasion de s’intéresser aux bouleversements et aux polémiques agitant le monde de l’art. Ainsi, lorsque l’auteure retrace l’histoire de la déesse de Morgantina, monumental marbre du Ve siècle av. J.-C., le récit, digne d’un roman d’espionnage, entre marchands d’art corrompus et pillards italiens à la petite semaine, ouvre en parallèle une réflexion sur les agissements et les responsabilités des grands musées américains, obnubilés dans les années d’après guerre par la course à l’acquisition d’antiques, même issus de pillages…

Destins contrariés
Tout est politique, et l’art ne fait pas exception. L’oubli durant trois siècles d’une pièce majeure du Bernin au fin fond du parc de Versailles s’explique en partie par le refroidissement des relations entre Louis XIV et le Saint-Siège. Le devenir d’une œuvre tient parfois à peu de chose. Est-il nécessaire de rappeler que L’Origine du monde de Gustave Courbet, aujourd’hui partie intégrante de l’imaginaire collectif, n’a été dévoilée au grand public qu’à la fin des années 1980 ? Son histoire, de Paris au Bosphore, puis dans le cabinet du psychanalyste Jacques Lacan, est passionnante. Le tableau, connu d’un cénacle d’initiés depuis sa création, a alimenté rumeurs et polémiques avant de rejoindre les cimaises du Musée d’Orsay. Aujourd’hui encore, un réseau social comme Facebook s’offusque du caractère pornographique de l’œuvre, interdisant sa reproduction sur le site.

Avec humour et un certain panache, Un Van Gogh au poulailler montre surtout que la vie des œuvres d’art n’est pas un long fleuve tranquille. En témoigne L’Agneau mystique par les frères Van Eyck. Dans la cathédrale Saint-Bavon à Gand (Belgique), le retable fut tour à tour démantelé, reconstitué en partie avec une copie, puis l’un de ses panneaux a été volé et reste aujourd’hui encore introuvable, alimentant les hypothèses de Rouletabille en herbe. Sa restauration en cours montre que tout n’a pas été dit sur le chef-d’œuvre…

Maureen Marozeau, Un Van Gogh au poulailler et autres incroyables aventures de chefs-d’œuvre, Éditions Philippe Rey, 2014, 288 p., 19 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Douze histoires d’œuvres

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque