Le Musée de Versailles livre une exposition mêlant érudition et esthétisme qui rappelle l’incroyable inventivité du mobilier français au XVIIIe siècle.
VERSAILLES - Et si le design prenait racine dans les débuts du XVIIIe siècle, lorsque le mobilier invente des forms nouvelles, entraînant l’essor d’un artisanat d’art sans précédent ? Le titre de la nouvelle exposition du château de Versailles, « 18e, aux sources du design », tendrait à le faire croire, s’appuyant pour cela sur les écrits de Lord Shaftesbury, qui dès 1712 utilise le mot « design », associant « dessein » et « dessin », esthétisme et fonctionnalité. Les artistes et artisans de l’époque, à l’instar de Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, auraient-ils fait acte de design tout en l’ignorant ?
Sous son titre accrocheur un peu facile, « 18e, aux sources du design » est en réalité une ode à l’incroyable inventivité et à la finesse d’exécution qui caractérise la production de mobilier français pour la haute aristocratie, depuis le règne de Louis XIV jusqu’à celui de Louis XVI. La scénographie pensée par Jean Nouvel et Patrick Hourcade, volontairement contemporaine et épurée, place les œuvres à hauteur d’homme, sur un piédestal et socle tournant : le meuble devient œuvre d’art. Le corpus choisi, environ 90 œuvres, étonne et impressionne par son incroyable richesse et son raffinement extrême.
D’entrée de jeu, un Cabinet (vers 1675, Musée des arts décoratifs de Strasbourg) en marqueterie d’ébène, monumental et architectural, donne le ton du parcours. Orné de marqueterie de pierres dures à décor floral et animal, en corne teintée et bronze doré, ce cabinet d’apparat est spectaculaire, tout en livrant une multitude d’indications sur le goût, les méthodes employées ou les influences stylistiques venues d’Italie. C’est tout l’intérêt de l’exposition : au-delà du choc esthétique de ces pièces rares et précieuses, les cartels et les équipements numériques livrent mille informations passionnantes sur les avancées de la recherche dans une balade déroulant thématiques et chronologie de styles. Le catalogue de l’exposition est également exemplaire du travail de recherche mené par le comité scientifique de l’exposition. Le Bureau du roi Louis XV, le Serre-bijoux de Marie-Antoinette, une exceptionnelle Commode en porcelaine de Sèvres commandée par Mademoiselle de Sens, la Commode de Louis XV à Choisy en laque du Japon : le parcours égrène les chefs-d’œuvre. Boulle, Cressant, Oeben, Bernard Van Risamburgh (B.V.R.B.), Jacob : les signatures sont illustres, mais le visiteur est peu habitué à ce que leurs œuvres soient aussi accessibles physiquement. À Versailles, on toucherait presque du doigt la perfection à la française.
Commissariat général : Daniel Alcouffe, conservateur général honoraire
Nombre d’œuvres : environ 90
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Et le mobilier devint art
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 février 2015, château de Versailles, place d’armes, 78000 Versailles, www.chateauversailles.fr, tél. 01 30 83 78 00, tlj sauf lundi et jf, 9h-17h30. Catalogue, coéd. Faton/château de Versailles, 280 p., 42 €.
Légende Photo :
Vue de l'exposition « 18e, aux sources du design », château de Versailles, avec la commode de Mademoiselle de Sens réalisée par Bernard Vanrisamburgh. © Photo : Didier Saulnier
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Et le mobilier devint art