Le peintre coréen, Park Seo-Bo, membre du Dansaekhwa, présente sa version du minimalisme.
À Paris, la galerie Emmanuel Perrotin invite à explorer la peinture du Coréen Park Seo-Bo, membre du mouvement Dansaekhwa amorcé dans les années 1960 qui, depuis quelques mois, fait l’objet d’une redécouverte.
Vous avez commencé dans les années 1960 une série de tableaux intitulée « Écritures », que vous poursuivez aujourd’hui encore mais qui montre d’importantes évolutions. Ce terme se réfère-t-il à l’élaboration d’un langage abstrait ?
Oui, il s’agit d’un langage abstrait en effet, mais je ne donne pas de signification particulière au titre Écritures. Je préfère ne pas le rendre explicite et laisser le spectateur libre de l’interpréter de diverses manières.
En plus de la peinture, vous confectionnez systématiquement vos tableaux avec du crayon également ; lequel est très visible dans vos œuvres des années 1970, mais moins dans les plus récentes. À quoi vous sert-il exactement ?
Le crayon est pour moi un outil qui sert à exprimer ou à détailler quelque chose. Je le compare à une sorte de fourchette qui écraserait la matière et permettrait également d’effacer. Les tableaux que vous voyez accrochés au mur sont en fait conçus au sol et je dessine sans cesse les mêmes lignes. Cet acte de répétition est très important pour moi, car il me permet de me libérer de toute préoccupation ; sans intention particulière je me libère vraiment. C’est une marque de purification en quelque sorte. Le crayon et la peinture sont des outils différents, mais cela ne change pas le fond en fait ; il s’agit de la même démarche et d’un même processus d’épuration.
Votre peinture est-elle une tentative de lier en un tout l’espace, le temps et la matière ?
Je suis tout à fait d’accord avec cela. Il m’importe d’harmoniser l’espace, le temps et la matérialité qui sont trois contingences importantes. Et je les lie à travers la répétition. Cela me fait penser à un moine bouddhiste dont la vie est très répétitive et je crois qu’à travers l’acte de répétition on peut atteindre certaines vérités.
Des surfaces en relief et des surfaces lisses cohabitent toujours au sein de vos tableaux. Est-ce une manière de confronter des espaces différents ?
Je n’ai jamais pensé à une confrontation des univers. Ces différences sont pour moi un espace nécessaire à la respiration. Le spectateur s’ennuierait à ne voir toujours que des lignes ! C’est un peu comme une fenêtre pour respirer, une fenêtre de l’esprit, qui montre aussi que rien n’est jamais complètement fermé. On laisse ainsi de la place à quelque chose qui peut arriver. Et vous voyez que les lignes de démarcation entre les différentes zones ne sont jamais complètes mais laissent des ouvertures justement.
Vos tableaux ne sont jamais accrochés directement contre le mur mais laissent toujours un vide entre eux et la paroi. Souhaitez-vous introduire une question de volume ou d’espace encore une fois ?
C’est une question que l’on m’a souvent posée, mais au départ c’était tout simplement car je n’avais pas d’argent. Pour accrocher les tableaux il faut en général un cadre mais cela ne convient pas à ma peinture. Sinon on doit mettre des clous et si on les laisse voir ce n’est pas bien non plus et cela abîme les œuvres. J’ai réfléchi à plusieurs solutions, avec une sorte de scotch à l’arrière également. Et finalement, j’ai mis des cartons derrière et c’était bien car avec un peu d’espace on voit de l’ombre. De là, à partir de 1967, j’ai pensé à laisser volontairement de l’espace. C’est le manque de moyens qui m’a amené cette solution. Je crois que la pauvreté est une chose importante pour les artistes, car elle pousse à trouver d’autres solutions qu’on n’aurait peut-être pas trouvées dans des conditions plus aisées.
Lorsque vous avez commencé à peindre dans les années 1960, connaissiez-vous la peinture minimaliste américaine et y a-t-il éventuellement des choses qui vous ont intéressées ?
Au début des années 1960, je ne connaissais pas du tout le minimalisme. La Corée était un pays pauvre et nous avions peu de livres. En plus je ne parle pas anglais et je n’étais pas au courant de ce qui se passait à l’extérieur. J’ai découvert le minimalisme à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, mais je pensais que c’étaient les Américains qui imitaient les Coréens. Plus tard, j’ai compris que ce n’étaient pas les mêmes conceptions : pour les Occidentaux, c’est une conception logique, mais pour moi il s’agit d’une profondeur de la vie qui diffère complètement.
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Park Seo-Bo : « L’acte de répétition permet de me libérer vraiment »
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : Park Seo-Bo : « L’acte de répétition permet de me libérer vraiment »