La Chambre des huissiers de justice, propriétaire de l’immeuble qui abritait l’ancien atelier de Picasso rue des Grands-Augustins à Paris, veut le transformer en hôtel de luxe. La Mairie de Paris et la DRAC sont très réservées sur ce devenir mais n’ont pas beaucoup de leviers à leur disposition pour s’y opposer.
PARIS - L’hôtel particulier qui marque le n° 7 de la rue des Grands-Augustins, dans le 6e arrondissement, comporte toujours une sonnette au nom du Comité national pour l’éducation artistique (CNEA). L’association qui promeut l’enseignement de l’art en milieu scolaire a pourtant vidé les lieux en décembre 2013 sur ordre du juge des référés. La chambre des huissiers de justice de Paris, propriétaire de l’édifice, désirait en effet retrouver la jouissance du grenier des Grands-Augustins que l’association a occupé gracieusement de 2002 à 2013 (y organisant activités pédagogiques, expositions et concerts) et qu’elle a rénové à ses frais. La décision d’expulsion a été confirmée en appel le 16 octobre dernier, au grand dam du CNEA qui a mobilisé ses soutiens (rassemblés au sein d’un comité de défense prestigieux composé de personnalités de la culture) le 13 novembre dernier, lors d’une conférence de presse visant à alerter sur le devenir de l’atelier que Pablo Picasso a occupé de 1937 à 1955.
Depuis 2013 et l’annonce de la Chambre des huissiers de vouloir transformer l’immeuble en « hôtel de prestige », l’atelier de Picasso, situé sur les deux derniers étages de l’édifice, n’a pas manqué de défenseurs. Après que de nombreuses personnalités (de l’écrivain Erik Orsenna à l’ancien ministre Jack Lang) eurent signé une lettre ouverte adressée à la Ville de Paris et à l’État réclamant la préservation de la mémoire du lieu, la maire Anne Hidalgo a exprimé « l’attachement de la Ville au grenier des Grands-Augustins, lieu emblématique de l’histoire artistique parisienne [qui a aussi été le cadre de l’action du Chef-d’œuvre inconnu de Balzac et a accueilli la première compagnie de Jean-Louis Barrault.] »
Les Monuments historiques érigés en rempart
Le ministère de la Culture a, quant à lui, déposé une instance de classement en 2013 avant de faire inscrire au titre des Monuments historique, en juillet 2014, l’ensemble des façades du XVIIe siècle et toitures du bâtiment et la cage d’escalier, en raison de leur qualité architecturale et les volumes du grenier et de l’étage inférieur (où a notamment été peint Guernica) pour leur caractère mémoriel. Un permis de construire n’en a pas moins été déposé le 5 août 2014 par la société d’hôtellerie de luxe Helzear – qui aurait contracté un bail immobilier auprès du propriétaire des lieux – visant à la réhabilitation de l’immeuble en résidence hôtelière de 25 chambres. « J’ai apporté un avis extrêmement défavorable au projet », a déclaré Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement, chargé de se prononcer sur un permis dont la délivrance ou le refus reviendra à la mairie de Paris. « Nous avons demandé un complément d’informations pour vérifier que les éléments spécifiques à la protection Monument historique, à savoir les volumes des pièces et l’esprit des lieux, sont respectés », explique Véronique Chatenay-Dolto, directrice de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Île-de-France.
Si le Comité de défense du grenier des Grands-Augustins et la mairie du 6e arrondissement pensent que le permis de construire « ne sera jamais délivré », ils bataillent aujourd’hui pour que la destination culturelle et artistique des deux derniers étages de l’édifice soit sauvegardée. Si l’offre de louer le lieu pour en faire une fondation, émanant de Maya Widmaier-Picasso, fille de l’artiste, n’a pas été retenue par le propriétaire, nombreuses sont aujourd’hui les voix à suggérer que le grenier des Grands-Augustins devienne une antenne du Musée Picasso, rouvert récemment au cœur de l’hôtel Salé. Un projet difficile à envisager selon la Drac. « Il serait très compliqué d’en faire un établissement recevant du public respectant les normes de sécurité, car des travaux viendraient buter sur des éléments protégés tels que l’escalier », explique Jean-Pascal Lanuit, directeur-adjoint de la Drac. « Il n’est pas évident de faire de cet endroit un lieu de mémoire, car il ne s’agit pas d’un lieu précis de matérialisation de l’artiste. Hormis les volumes, il ne reste plus rien du souvenir de Picasso », indique Véronique Chatenay-Dolto. « Sans compter que le propriétaire conserve des droits sur l’édifice », précise-t-elle. « Nous allons faire appel au président de la République », a annoncé le comité de défense du grenier des Grands-Augustins qui souhaite également la nomination d’un médiateur indépendant.
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Grenier Picasso, l’imbroglio
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Le grenier de l'ancien atelier de Picasso occupé alors par le Comité national pour l’éducation artistique (CNEA). Situé au 7, rue des Grands-Augustins dans le VIe arrondissement de Paris, l’hôtel de Savoie appartient à la chambre des huissiers de justice de Paris (CHJP)- Photo CNEA
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : Grenier Picasso, l’imbroglio