Jean-François Chougnet préside depuis début septembre le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) après avoir dirigé l’association Marseille Provence 2013, organisatrice de la capitale européenne.
Comment imaginez vous le contenu du MuCEM en termes de programmation ?
Après la phase d’ouverture du bâtiment, phase qui a posé le lieu comme référence, nous devons réconcilier le musée avec ses collections. Le MuCEM c’est d’abord des collections, une équipe et un programme culturel et scientifique que notre tutelle a élargi aux rapports entre le bassin méditerranéen et l’Europe. Si un des trois piliers se sent fragilisé, c’est l’ensemble de l’édifice qui fonctionnera mal. Le décrochage qu’il y a pu avoir avec la focalisation sur le bâtiment s’est ressenti au niveau du personnel qui a besoin d’une redéfinition d’une ligne de programmation et du rapport aux collections.
Faut-il s’attendre à une plus grande circulation des collections du MuCEM ?
On entend régulièrement dire que le MuCEM ne présente pas ses collections, ce qui est injuste. Lors des inaugurations, on a un peu oublié Michel Colardelle [premier directeur du MuCEM remplacé en septembre 2009 par Bruno Suzzarelli] qui a porté le MuCEM et essayé de sortir vers le haut les collections des Arts et traditions populaires (ATP). Nous sommes le musée national qui a le plus de dépôts après le Louvre. Le musée des ATP a beaucoup déposé. Le Musée de l’Homme, qui va rouvrir, et dont nous avons en dépôt une partie des collections, nous sollicite par exemple actuellement. Nous avons également des réserves que l’on peut visiter, ce qui n’est pas le cas de la très large majorité des musées français. Nous préparons aussi les expositions sur trois ou quatre ans avec des collectes. La collecte sur le football, entamée dès les années 2000, a été reprise il y a deux ans et devrait aboutir à une exposition en 2016, année du championnat d’Europe de football ; Marseille ayant été désignée par ailleurs Capitale européenne du sport pour 2017.
La Galerie de la Méditerranée a été critiquée dès son ouverture. Sera-t-elle de son côté revue ?
On y travaille, nous allons la renouveler par moitié, la partie consacrée à l’agriculture est en cours de réenrichissement. La partie dédiée aux religions sera retravaillée pour la fin 2015.
Les conclusions de l’audit commandé sur les salles du fort Saint-Jean ont été remises. Vers quoi vous dirigez-vous ?
Je ne pense pas que l’on ira vers une remise aux normes intégrale de la totalité du fort, car cela serait coûteux et incertain compte tenu de son humidité. Nous avons des objets fragiles. À la demande du public, nous allons sans doute y créer un centre d’interprétation du fort, création que l’on a sous-estimée au départ. Nous avons déjà intensifié les indications historiques sur le site.
Envisagez-vous d’accueillir les collections du Musée de l’histoire de la France en Algérie ?
Nous nous sommes montrés ouverts, le service des Musées de France y est favorable ainsi que Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de Montpellier agglomération.
Pourrait-on imaginer une exposition sur le sujet coproduite par le MuCEM et la Cité nationale de l’histoire de l’immigration aujourd’hui présidée par Benjamin Stora, un des membres du comité scientifique de ce musée avorté ?
Nous ne présenterons pas l’exposition imaginée pour l’ouverture du Musée de l’histoire de la France en Algérie ; j’ai cru comprendre que Benjamin Stora envisageait de le faire.
Des coproductions avec l’Institut du monde arabe semblent en revanche être en discussion ?
Des contacts sur des thèmes pour la fin 2016 ont été effectivement pris. Avant mon arrivée des projets ont été envisagé autour notamment des navigations arabes.
L’actualité est une des identités de la programmation du MuCEM. En raison des événements en Ukraine, l’exposition « Les chemins d’Odessa » a été annulée. Comment entendez-vous vous positionner vis-à-vis de sujets risquant d’autres annulations compte tenu de leur contexte géopolitique ?
Le risque est à prendre. Ce qui s’est passé à propos de l’Ukraine peut se reproduire pour d’autres sujets. Nous travaillons sur l’art contemporain en Tunisie pour l’année prochaine, nous savons très bien que le sujet va évoluer. Cette identité du MuCEM passe aussi par nos colloques, conférences, débats qui marchent de mieux en mieux. Le MuCEM est un musée de proximité, la fréquentation de la Galerie de la Méditerranée et des expositions temporaires étant pour moitié constituée de visiteurs orginaires de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’autre moitié hors de la région, dont 14 % d’internationaux.
Comment envisagez-vous les liens du MuCEM avec les autres musées de Marseille ?
Des coopérations ont déjà eu lieu. Avec Christine Poulain de la direction des Musées de Marseille, un de nos rêves est de trouver une saison, une année, qui nous permettrait de décliner une thématique commune ; l’adjointe au maire déléguée à la Culture, Anne-Marie Estienne d’Orves y est très favorable.
Des partenariats afin de redonner à Marseille la dynamique de MP 2013 ?
Oui. L’inscription du sport dans la dynamique de la capitale européenne me paraît à cet égard fondamental. Le sport est un sujet de société où nous avons notre place. Un autre projet est en cours avec la conservatrice du Musée Borély. Des réflexions sont menées par ailleurs avec Bruno Ely [directeur du Musée Granet à Aix-en-Provence]. Tous les musées travaillent maintenant à l’échelle départementale. Le fait métropolitain, du moins sous son acception géographique, existe. Les liens sont géographiquement importants. Cela a été notre grand pari pour MP 2013. Les gens n’ont pas du tout envie d’arrêter. Sur l’esplanade du MuCEM, nous allons accueillir la première Biennale internationale des arts du cirque. Nous travaillons avec le théâtre La Criée à une opération à la Belle de Mai sur les arts forains, pour laquelle nous sortirons des chefs-d’œuvre inédits.
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Jean-François Chougnet : « Il faut redéfinir la ligne de programmation »
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Abonnez-vous dès 1 €Jean-François Chougnet, Président du MuCEM - Photo courtesy Mucem @ Agnes Mellon
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : Jean-François Chougnet : « Il faut redéfinir la ligne de programmation »