Sans rivale, la foire parisienne imprime ses choix dans un contexte de grande concurrence avec les autres rendez-vous internationaux. Les galeries généralistes sont présentes en force.
On ne change pas les bonnes habitudes. La soirée privée de J. P. Morgan, partenaire officiel de Paris Photo, ouvrira le bal de la dix huitième-édition du salon. L’an dernier, elle avait ravi de nombreux galeristes en suscitant les premiers achats ou promesses d’achats. Ce n’est que le dimanche 16 novembre au soir que galeristes et éditeurs sélectionnés établiront un premier bilan. Cette année, ils étaient encore nombreux, 250 – en particulier les français – à se porter candidat pour prendre place sous la verrière du Grand Palais. Au final, 143 galeries contre 135 en 2014 ont été retenues. Les éditeurs (26) voyant de leur côté leur rang se renouveler avec quatre nouveaux entrants : Damiani (Bologne), Jeu de Paume (Paris), Madanela (São Paulo) et Radius (Sante Fe).
Bien que le coût du stand soit équivalent à celui de la Fiac (495 euros le mètre carré) malgré les prix des œuvres bien en deçà de ceux pratiqués par la manifestation d’art contemporain, Paris Photo demeure la foire photo où il faut se trouver compte tenu de la présence unique des collectionneurs, marchands, responsables et conservateurs d’institutions culturelles ou regroupements d’amis des musées, venus en grand nombre pour la grande messe de la photo. Ne pas compter parmi les participants est jugé pénalisant, au point qu’un photographe invité par un galeriste à rejoindre son écurie d’artistes peut décliner la proposition au motif que l’enseigne ne prend pas part à l’événement.
Galeries généralistes en compétition
La décision du jury d’intégrer ou non telle galerie, ses critères de sélection (aucune chance pour celle qui se porte candidate la première fois, même avec un dossier de qualité !) suscitent toujours des questionnements. La concurrence une nouvelle fois a été rude, d’autant que la proportion des galeristes généralistes s’accroît à chaque édition et représente désormais la moitié des exposants. À la différence de la Fiac, Paris Photo n’investit pas les étages du Grand Palais, si ce n’est celui du Salon d’honneur, où se développeront les acquisitions récentes du Museum of Modern Art et la collection privée de l’homme de théâtre indien Ebrahim Alkazi. « Je ne pense pas qu’il y ait assez de qualité », dit son directeur, Julien Frydman qui n’envisage pas davantage de créer une foire satellite. « Nous avons ouvert une deuxième foire à Los Angeles. Ma priorité est de la consolider », rappelle-t-il. La place est donc comptée ; les majors américains, allemands (tels Daniel Blau ou Thomas Zander) ou l’anglais Hamiltons sont gourmands en espace. Avec 35 pays représentés contre 25 lors de la précédente édition, l’internationalisation est un fait acquis, les enseignes françaises (33 % de l’ensemble), américaines (20 %), allemandes (12 %) et britanniques (7 %) constituant cependant les deux tiers du parterre de galeries du Grand Palais renouvelé d’à peine un quart. Zürich cette année talonne Londres avec pas moins de cinq galeries sélectionnées. Christophe Guye est rejoint par Artef, Bob Van Orsouw, Nusser & Baumgart et Scheublein Bak. Le reste s’égraine entre le retour de l’Iran via la galerie Silk Road et la présence pour la première fois de l’Arabie Saoudite (ATHR), de Taïwan (Beyond), de la Chine (Three Shadows 3), de la Grèce (Kalfayan Gallery), de la Turquie (Zilberman), de la Tunisie (Selma Feriani) et de l’Australie avec Stills (Sydney) et Tolarno (Melbourne).
En rangs tout aussi comptés et dispersés, les galeries sud-américaines AFA (Santiago), Document Art (Buenos Aires) et Patricia Conde (Mexico) font leurs premiers pas au Grand Palais, aux côtés de Grafika la Estampa (Mexico) et Rolf Art (Buenos Aires) qui avait fait une entrée remarquée l’an dernier. Les enseignes d’Asie demeurent également marginales malgré la présence de MEM (Tokyo), The Third Gallery Aya (Osaka), Siverlens (Makati) et Tasveer (Bangalore). Quant au quatuor France, États-Unis, Allemagne et Grande-Bretagne, il connaît comme de coutume son lot de sortants et de nouveaux venus ou revenants. Les majors américains de l’art contemporain (Gagosian, Fraenkel, Pace/MacGill et David Zwirner) sont plus nombreux avec la présence de Yoshii Gallery, tandis qu’à Cheim & Read, Metro Pictures et Rhona Hoffman présents l’an dernier, succèdent Andrea Meislin (New York), Bryce Wolkowitz (New York), Henrique Faria (New York), Jackson (Atlanta) et Little Big Man (Los Angeles).
Le retour de Kamel Mennour
Parmi les 45 galeries françaises retenues contre 42 en 2014, on relève la première participation de Daniel Templon, Thaddaeus Ropac, Peter Freeman, Dix9-Hélène Lacharmoise et d’Imane Farès couplées au retour de Farideh Cadot, d’Eva Meyer et de Kamel Mennour, qui après onze ans d’absence revient avec une installation autour de la destruction réunissant Alfredo Jaar, Zineb Sedira et Marie Bovo. Son départ de Paris Photo en 2003, alors qu’il ne représentait que des photographes, lui « a paru probante pour s’adresser à des artistes qui l’intéressaient » et ainsi sortir de cette étiquette de galerie photo qui ne lui convenait pas. Mais sa présence à Paris Photo ne l’engage que pour cette édition. « Si l’année prochaine je n’ai pas de proposition forte, je ne viendrai pas. Il ne faut pas être prisonnier des salons. Il y a trop de foires. Il y en a tellement que si l’on y va sans propos ou en se répétant, les gens le sentent. » Élargir le cercle aux galeries généralistes, sollicitées un mois auparavant par Frieze London, la Fiac et Abu Dhabi Art, suppose qu’elles puissent produire des nouveautés, surprendre et séduire. Les acheteurs sont de plus en plus sollicités, en particulier ceux de l’art contemporain auxquels Paris Photo entend s’adresser de plus en plus. La place donnée à la photographie performative et aux solos show, plus nombreux que l’an passé et allant de Margaret Bourke-White (Daniel Blau) à Thibault Hazelzet (Christophe Gaillard) ou Ishiuchi Miyako (The Third Gallery Aya), constitue une de ses caractéristiques 2014.
Côté édition, l’espace compté de la nef du Grand Palais ajouté à la problématique de la rentabilité des stands pour les éditeurs posent la question pour les organisateurs de la foire du développement de ce secteur important quand on parle de photographie, surtout quand le salon Offprint Paris (14 au 16 novembre) aux Beaux-Arts de Paris s’affirme en référence pour les amateurs. Les prix décernés (ceux du Premier livre, du Livre de l’année et le tout nouveau Prix du Catalogue photographique de l’année) ne peuvent suffire, au-delà de leur caractère événementiel, à refléter la grande créativité dans ce domaine non exempt aussi de platitudes affligeantes.
Si Paris Photo est roi en son domaine, la concurrence s’aiguise. En mai dernier, Candlestar, producteur du prix Pictet, annonçait l’organisation de Photo London (21 au 24 mai) à Somerset House, tandis que du côté de Bâle se dévoile progressivement le projet de Photo Art Basel qui se déroulera parallèlement à Art Basel du 17 au 20 juin 2015. Née « indépendamment des organisateurs de la foire de Bâle, bien qu’en relations amicales avec eux », selon les termes de l’un de ses organisateurs Sven Eisenhut connu dans l’événementiel à Bâle, Photo Art Basel n’en bénéficie pas moins de son fichier de galeries. Sa trentaine d’enseignes sera sélectionnée par un jury constitué autour de Bernd Fechner, directeur de l’agence Photomarketing basé à Berlin, organisateur et curateurs de Foto Bild Berlin et Europa art. Pour sa troisième édition, Paris Photo Los Angeles (30 avril-3 mai) devra faire en 2015 avec l’AIPAD (Association of International Photography Art Dealers) qui se déroulera à New York entre le 16 et 19 avril, Photo London un mois plus tard, puis Art Basel Photo, sans compter les foires d’art contemporain du premier semestre. Les candidatures pour Paris Photo Los Angeles sont ouvertes depuis un mois, mais la campagne de séduction auprès des galeries, entamée par Julien Frydman, est menacée depuis bien plus longtemps.
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Paris Photo, la foire incontournable
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Légendes photos
Affiche de Paris Photo 2014
Vue de Paris Photo, mercredi matin 12 novembre 2014 - Photo TD pour LeJournaldesArts.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Paris Photo, la foire incontournable