En marge des grosses têtes d’affiche qui dominent la rentrée des galeries du Marais à Paris (Wim Delvoye et Laurent Grasso chez Perrotin, Anna Gaskell et Douglas Gordon chez Yvon Lambert, Anthony Caro chez Templon…), l’exposition de Dominique Ghesquière à la galerie Valentin est une agréable surprise.
PARIS - On la doit à une artiste au parcours atypique puisqu’elle a fait les Beaux-Arts de Lyon à l’âge de 45 ans suivis de la Rijksakademie d’Amsterdam.
Encore peu connue, elle est en train de le devenir : dans le cadre de l’exposition « All that falls » qui vient de s’achever au Palais de Tokyo, elle présentait une importante installation, Terre de profondeur, sur laquelle le visiteur pouvait marcher. La pièce avait été réalisée lors de sa résidence au Centre international d’art et du paysage sur l’île de Vassivière où elle fut présentée en 2013. Elle a aussi été invitée au Fonds régional d’art contemporain Bourgogne (2006), à la Station à Nice (2010), à la BF15 à Lyon (2011).
Cette deuxième exposition à la galerie Valentin (la première date de 2009) démarre par ce qui semble être une peau de pangolin accrochée au mur. Eh bien non, l’œuvre intitulée Mue est composée d’écorces de pommes de pin juxtaposées et collées, parfaitement mimétiques des écailles de ce mammifère sans dents. Juste à côté figure un nuage suspendu, d’autant plus léger qu’il est entièrement réalisé avec des billets de banque massicotés en lamelles. Il n’arrosera personne de ses francs périmés. À côté encore, un étourneau naturalisé est perché sur un mur, ailes en croix et ventre à l’air, sur lequel on découvre une nuée de petits tirets blancs naturels. Tandis qu’au centre de la salle sont disposés trois arbres. Des arbres en hiver, déplumés, sans feuilles. Mais à les regarder de près, on s’aperçoit que Dominique Ghesquière a recréé, ton sur ton, le contour des feuilles de ces bouleaux à l’aide de petits morceaux de leur branchage. Énorme travail et jeu de patience.
Au sol, l’artiste a disposé des galets, tous reliés par la ligne naturelle dessinée à leur surface. Le point commun à toutes ces œuvres, leur fil d’Ariane, ne serait-il pas la ligne ? La ligne effilochée, qui donne du volume au nuage ; la ligne qui dessine une feuille ; la ligne qui coud les galets ; la ligne de conduite qui la fait conjuguer la nature à l’art (ou l’inverse), qui la guide pour faire des greffes et des épissures ; la ligne qu’elle franchit pour détourner un élément et le faire passer dans un autre champ. De même, toutes ces œuvres parlent du temps, le temps qu’il faut pour les réaliser ; le temps suspendu, un temps d’ailleurs pas dans l’air actuel, un temps qu’il faut prendre pour les découvrir et les apprécier ; le temps de la mémoire, à l’exemple du feuillage de ses arbres ou de l’empreinte fantôme d’un lierre dessinée à même le mur. Comme un point d’orgue à un éloge de la lenteur et de la délicatesse.
Les prix aussi sont suspendus et délicats : de 3 500 euros pour l’oiseau à 8 000 euros pour un arbre.
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Sculpture - Éloge de la délicatesse
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 11 octobre, Galerie Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, www.galeriechezvalentin.com, du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Sculpture - Éloge de la délicatesse