Collection - L’artiste au Centre

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2014 - 689 mots

Le Musée national d’art moderne présente un nouvel accrochage de ses collections permanentes pensé autour de la personne de l’artiste au cours des trois dernières décennies.

PARIS - Traditionnellement dévolu à la présentation des collections du Musée national d’art moderne, le quatrième étage du Centre Pompidou a fait peau neuve. Non que son architecture ait été repensée mais parce qu’il y souffle un vent frais. Le nouvel accrochage pensé par la conservatrice Christine Macel met en effet en exergue les trente dernières années de la création artistique, avec comme toujours en ces lieux des incursions vers le design et l’architecture. Débutant dès les débuts des années 1980, « Une histoire » semble surtout dominée par les années 1990 et 2000 : un vent frais donc !

Néanmoins, embrasser tous les aspects de cette période récente n’est pas chose aisée, tant elle a été marquée par des ruptures considérables, géopolitiques notamment, qui ont fortement infusé l’art en train de se faire. En même temps, la mondialisation ouvrait en direction de l’Occident les vannes d’une création jusque-là méconnue, dont les nouveaux territoires redessinaient en profondeur les contours de la carte de l’art contemporain et les images du monde ; ce que traduit magnifiquement une installation de Roman Ondák, qui a demandé à diverses personnes de dessiner des monuments de pays qu’ils n’ont jamais visités (Common Trip, 2000).

L’artiste et son époque
Un accrochage chronologique n’aurait pas eu de sens, pas plus qu’une approche géographique qui aurait été immanquablement lacunaire. Christine Macel a donc fort bien joué sa partition en plaçant l’artiste au centre de ses préoccupations.

C’est en effet lui qui domine l’accrochage, à travers ses postures et manières d’aborder l’art et son époque. Au vu des bouleversements récents, l’accent est mis sur la manière dont il observe, absorbe et digère les accélérations et mutations de l’époque, sur la façon dont il se positionne par rapport au monde, se faisant notamment archiviste, historien, documentariste… Autant de sections permettant de se frotter aux évolutions en même temps qu’à la nécessité d’en consigner les traces. Ainsi Chris Marker donne-t-il à voir dans Détour Ceaucescu (1990) la farce du procès du dictateur roumain sauvagement entrecoupée d’extraits de publicités afin de répondre à une autre farce : celle, à l’époque, de la diffusion télévisée, sans aucun recul, d’un document flirtant pourtant avec la propagande.

Du côté des « archivistes », ce sont les artistes du Moyen-Orient, libanais en particulier tels Walid Raad, Lamia Joreige ou Akram Zaatari, qui sont à la manœuvre, revenant sur l’histoire troublée de leur passé récent.

Poétisation du quotidien le plus trivial
Bien vue est également une belle section intitulée « L’artiste comme producteur », histoire d’une génération des années 1990 portée par des galeries telles Air de Paris et des revues innovantes telles Blocnotes, Documents sur l’art ou Purple Prose. C’est le vivre-ensemble et de nouveaux formats esthétiques qui sont explorés là, à travers les plateformes et peintures murales de Liam Gillick, la « cuisine » de Rirkrit Tiravanija, les photos de ravers et marginaux berlinois de Wolfgang Tillmans, les vidéos de Pierre Huyghe ou de Philippe Parreno questionnant le réel. Un réel qui plus qu’à son tour revient au premier plan avec une poétisation du quotidien le plus trivial portée par l’objet, surtout venue de territoires dits émergents tels le Mexique (Abraham Cruzvillegas, Damián Ortega…), Cuba (Wilfredo Prieto) ou Dubaï (Hassan Sharif).

L’accrochage va toutefois un peu vite en besogne sur certaines questions fondamentales comme le rapport de l’artiste à la ville, traité avec seulement deux œuvres de Sarah Morris et d’Alain Bublex au sortir d’une salle dédiée à l’architecture et au design des années 1980. Peut-être eût-il été préférable de s’abstenir face au manque patent d’espaces. De même que le traitement de la peinture des trente dernières années ne peut tenir dans un réduit rassemblant Daniel Buren, Olivier Mosset, Steven Parrino et Joseph Marioni. Cette « radical painting » a connu de nombreux successeurs et contradicteurs qu’il conviendrait de ne pas oublier. Mais sans doute cela pourrait-il nourrir un accrochage à part entière.

Une histoire...

Commissaire : Christine Macel

Nombre d’artistes : environ 200

Nombre d’œuvres et d’objets : plus de 400

Une histoire. Art, architecture et design des années 1980 à nos jours

Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, niveau 4, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h. Catalogue, 288 p., 39,90 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Collection - L’artiste au Centre

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