Dans un parcours parfois déroutant, la Fondation de Saint-Paul-de-Vence retrace un demi-siècle d’acquisitions majeures.
SAINT-PAUL-DE-VENCE - « Revivre avec passion la beauté des œuvres de Bonnard, de Braque, de Derain comme éprouver l’intensité toujours croissante d’un grand Gasiorowski en train de prendre sa place dans le siècle, c’est tout le plaisir que nous souhaitons offrir aux visiteurs de “Face à l’œuvre” », explique Adrien Maeght en introduction à l’exposition.
Une fois n’est pas coutume. Pour comprendre et, éventuellement, jouir de l’agencement de près de deux cents œuvres réunies pour le cinquantième anniversaire de la Fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence, il faut parcourir les citations inscrites sur les murs et surtout celle, radicale, de Pierre Tal-Coat : « Il s’agit de détruire toute connaissance a priori et de faire des expériences personnelles qui, seules, comptent. »
De fait, même si on y trouve les artistes habitués de la Fondation (Miró, Chagall, Giacometti) à côté d’autres dont les expositions ont également marqué ce lieu (Braque, Hartung, plus récemment Miquel Barceló ou Djamel Tatah), l’accrochage ne cherche pas à établir un récit linéaire. Il ne s’agit pas non plus de se servir de cette formidable collection comme d’un manuel d’histoire de l’art du XXe siècle. Le parcours, réalisé par Olivier Kaeppelin, vise à détourner le spectateur de ses habitudes et de lui proposer des choix et des rapprochements souvent inattendus. Optimiste, le directeur des lieux croit en la capacité des visiteurs à instaurer un dialogue avec les œuvres, grâce à la force suggestive de ces dernières.
Ambition louable ou wishful thinking (« pensée irréaliste ») ? Quoi qu’il en soit, face aux chocs visuels parfois déconcertants, on ne peut pas rester indifférent. Surpris, parfois dérouté, jamais rassuré, le visiteur n’a pas toujours la tâche aisée. Certes, la salle qui réunit les visages de Bacon (dont le plus ancien autoportrait qu’on lui connaisse, qui date de 1936), le portrait de Lucian Freud et les petites figurines d’Alberto Giacometti, ont indéniablement trait à la question du sujet. De même, le somptueux Rebeyrolle, l’Alechinsky, le peintre hongrois François Fiedler, injustement méconnu, ou encore Dubuffet forment un ensemble où la matière abondante évoque une nature tellurique.
Par la suite, les choses se compliquent. Dans un espace où l’on peut trouver un très beau Braque, on s’étonne de la place accordée à Derain, dont la gigantesque toile L’Âge d’or est un parfait exemple de « retour à l’ordre » teinté de kitsch. Ailleurs, le voisinage entre le personnage peint par Saul Steinberg et le tableau de Sam Francis, un fond blanc bordé de giclures colorées (From my angel), n’a rien d’évident. Plus loin encore, l’Objet invisible, la merveilleuse et énigmatique sculpture de Giacometti, est placé dans un coin, comme mis à l’écart. En somme, la belle intention de Kaeppelin – son projet intuitif : « inventer la pluralité des mondes » – manque parfois de mode d’emploi. Mais n’est-ce pas le destin de tout univers poétique ?
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 11 novembre, Fondation Maeght, 623, Chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul de Vence, tél. 04 93 32 81 63, www.fondation-maeght.com, tlj 10h-19h, 10h-18h à partir d’octobre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Maeght célèbre Maeght