Pour sa 13e édition, le désormais incontournable Parcours des mondes réaffirme sa dimension internationale. La raréfaction des pièces d’exception fait logiquement monter les prix.
Pierre Moos, le directeur du Parcours des mondes, peut s’estimer heureux. Son salon dédié aux arts premiers a bel et bien surpassé Bruneaf, la grande foire bruxelloise. Soixante-huit galeries triées sur le volet répondent à cette 13e édition et, fait notable, la moitié viendra de l’étranger, dont neuf des États-Unis.
Dans le carré magique des petites rues de Saint-Germain-des-Prés se presseront ainsi, dans une excitation fébrile, amateurs éclairés ou néophytes, conservateurs de musées ou collectionneurs avertis. Leur rêve ? Découvrir des types d’objets encore peu connus du grand public ou tomber sur des pièces d’exception au pedigree irréprochable. La principale difficulté des marchands d’arts premiers demeure cependant la raréfaction des chefs-d’œuvre. À la différence du marché de l’art contemporain où tout se crée au jour le jour (les artistes, leurs œuvres comme leur côte), les pièces tribales d’Afrique et d’Océanie « authentiques » – c’est-à-dire réalisées dans le cadre d’un rituel – ne se renouvellent guère ! C’est dire l’importance du salon parisien qui, au fil des ans, s’est imposé comme le rendez-vous incontournable des marchands et d’une clientèle aux appétits et aux exigences de plus en plus pointus. Qualité, expertise et transparence sont donc les trois mots d’ordre de cette manifestation qui passe au peigne fin les pièces proposées par les marchands. Ces derniers avouent d’ailleurs réserver leurs plus beaux objets pour le Parcours, au grand dam des autres foires…
Masques envoûtants
Ainsi, la galerie romaine Dandrieu-Giovagnoni n’est pas peu fière de présenter ce sublime masque d’éléphant Igbo-Izi du Nigeria « d’une énergie débordante » avec son jeu de pigments noirs et blancs. Cette pièce exceptionnelle qui appartint longtemps à la célèbre galeriste Hélène Leloup (du temps où elle s’appelait Hélène Kamer) devrait très logiquement dépasser les 50 000 euros, comme cet autre très beau masque Galoa du Gabon d’une belle puissance expressive. Plus modeste par la taille mais tout aussi ambitieux par ses qualités esthétiques, un bol des îles Australes est présenté à la galerie Meyer pour la somme de 20 000 euros : un prix raisonnable lorsque l’on sait que cette pièce date du XIXe siècle. Preuve qu’à l’heure où les grandes maisons de vente font flamber les enchères, le collectionneur en herbe peut encore succomber à un achat « coup de cœur » ! « Il suffit de savoir regarder », ne cessent de répéter les marchands qui n’hésitent pas à proposer, à côté de pièces dépassant plusieurs centaines de milliers d’euros, des objets plus modestes comme ces poulies de métier à tisser Senoufo ou ces petites amulettes Eskimo oscillant entre 2 000 et 2 500 euros… « Il n’y a pas de petits marchands », se plaît à répéter Pierre Moos. Certes… Force est de constater cependant que certains d’entre eux ne proposent que des pièces d’exception dont les prix atteignent des sommets vertigineux comme dans la galerie madrilène Arte y Ritual (qui présente une magnifique sculpture Iatmul de Papouasie-Nouvelle-Guinée du XIXe siècle) ou chez les marchands américains Donald Ellis ou Thomas Murray, des familiers du Parcours. À ceux que ces prix risqueraient de « paralyser », un conseil : se laisser porter au gré des chocs esthétiques. On ne saurait ainsi trop inviter le collectionneur comme le simple curieux de pousser la porte de Patrick et Ondine Mestdagh qui exposeront une collection de pièces Aïnou (peuple autochtone du Japon) d’un design irréprochable, de visiter la galerie de Renaud Vanuxem qui explorera les thèmes du rictus, du cri et de la transe sous le joli titre « Sages et féroces », ou bien encore de découvrir d’autres expressions tribales comme celles proposées par le jeune marchand Frédéric Rond dans sa galerie Indian Heritage.
Aux côtés de l’archéologie, la présence de l’Asie devrait être d’ailleurs l’un des grands temps forts de cette édition. Pierre Moos ne caresse-t-il pas le rêve de créer, dès septembre 2015, le premier Parcours des arts asiatiques ? Soit une façon à peine déguisée de séduire la clientèle très fortunée des collectionneurs de Hongkong ou de Singapour. Affaire à suivre…
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Les arts tribaux au sommet
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Abonnez-vous dès 1 €Du 9 au 14 septembre, Paris, Saint-Germain-des-Prés. Le mardi 9, vernissage à partir de 15h jusqu’à 21h. Du mercredi au samedi, de 11h à 19h, le dimanche jusqu’à 17h. Nocturne le vendredi 12 septembre jusqu’à 21h.
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : Les arts tribaux au sommet