Nomination

Le Premier ministre fait valser les beaux-arts et la Villa Médicis

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 6 juillet 2015 - 833 mots

PARIS [06.07.15] - Selon nos informations, ce ne serait pas Julie Gayet et Hollande qui seraient à l’origine du congédiement brutal de Nicolas Bourriaud mais un couple beaucoup plus improbable : Manuel Valls et Gérard Holtz.

Le Canard Enchaîné a créé un choc en annonçant que Nicolas Bourriaud allait être congédié de l’Ecole Nationale des Beaux Arts. Jeudi, Fleur Pellerin lui a prié de quitter les lieux, sans explication autre qu’un « changement de projet pédagogique », auquel personne ne peut croire. Un appel à candidature a été ouvert dans la précipitation, du 3 au 21 juillet, qui pourrait fort bien être contesté devant les tribunaux. En fait, à en croire Le Canard, le poste aurait été promis à Eric de Chassey, dont le mandat à la Villa Médicis court jusqu’à septembre. L’hebdomadaire satirique n’a pas manqué d’ironiser sur ses liens et celle de son épouse comédienne avec Julie Gayet, compagne de François Hollande.

Tous les médias ont enchaîné sur ce nouveau scandale du « népotisme » socialiste, en dénonçant l’intervention prêtée à la nouvelle Marie-Antoinette de l’Elysée. En réalité, cela ne correspond pas aux évènements. Selon plusieurs responsables du ministère de la Culture, ce petit séisme aurait été déclenché par un tout autre lien d’amitié: celui qui relie un journaliste sportif au Premier ministre. Une première dans un monde culturel déjà bien éprouvé pourtant par les nominations surprises.

La semaine dernière, Fleur Pellerin avait promis une interview au Nouvel Observateur. Au vu des questions qu’elle avait réclamées à l’avance, portant notamment sur cette affaire et celle qui agite Guimet, elle a annulé l'entretien. C’est dire l’état de panique d’un ministère dont la titulaire et le cabinet sont désormais convaincus de ne pas survivre au remaniement.

Le traitement réservé à Nicolas Bourriaud fait scandale, en France et dans le monde. Lundi, devant 200 étudiants, dans le jardin de l’école, l’intéressé a eu beau jeu de démonter l’argumentaire de la ministre, en faisant valoir son action et en dénonçant « le discrédit » porté à l’institution. Le geste paraît d’autant plus absurde qu’Aurélie Filippettti avait reconduit Bourriaud pour trois ans l’année dernière, alors même qu’il faisait face à une fronde généralisée dans l’établissement. Lui-même avait au départ bénéficié des faveurs de Frédéric Mitterrand, qui avait déjà monté un appel à candidatures bidonné. Même ses amis reconnaissent que la gestion n’est pas son fort. Mais, aujourd’hui, tout ceci est oublié par la brutalité du procédé et le reniement de la parole de l’Etat.

Si le but de la ministre était en effet de caser de Chassey, elle a bien foiré le coup. Arriver à l’Ecole dans ces circonstances lui serait très difficile. Rien n’indique du reste qu’il ne soit candidat à ce concours bancal (1). S’il demandait à rester à la Villa, ce serait retour à la case départ. Car, à l’origine, ce n’est pas lui qu’il fallait recaser, comme le pensent les médias, mais Muriel Mayette, qui a dû quitter l'année dernier la direction de la Comédie française, après une grande tension avec la troupe. Il y a trois semaines, Le Figaro a révélé que l’Académie de France à Rome lui avait été promise, même si elle n’affiche « aucune compétence » pour le lieu pour reprendre les termes du quotidien... sans être démenti. Au ministère, des responsables assurent aujourd’hui que l'initiative vient du Premier ministre, qui aurait voulu complaire à son ami, Gérard Holtz, lequel a épousé Muriel Mayette. Si c’était le cas, ce serait la troisième fois, après les remous au musée Picasso et la succession au centre Pompidou (où Hollande aurait certainement préféré Eric de Chassey) que Valls s’impose face à un ministère absent et un président affaibli, qui a délaissé le champ culturel.

Le journaliste de France 2, qui à 68 ans doit bien songer à sa retraite, se vante sur les plateaux que « son ami Valls répond dans les vingt secondes » à ses messages. Lors de son mariage, le couple Mayette-Holtz a livré une confession sans pudeur à Gala, racontant qu’elle lui dessine un petit coeur chaque matin et lui trouvant naturel d’être comparé à Casanova. Il ne pensait peut-être pas à l’écrivain, qu’il aura le temps d’étudier dans la bibliothèque de la Villa. Si tout ne se bloque pas d'ici le conseil des ministres.

Note

1) Ni la ministre ou son cabinet, ni les intéressés n’ont voulu commenter ou démentir ces informations. [cf. mise à jour ci-dessous]

MISE A JOUR : Lundi 6 juillet 2015 - 17h10 : la réaction de Gérard Holtz

Suite à la parution de notre article, Gérard Holtz, auquel nous avions demandé s'il avait pu intervenir auprès de son ami Manuel Valls, a tenu à démentir catégoriquement pareille hypothèse: "Je suis étonné et même carrément sidéré par une telle question... Cette rumeur est fausse et évidemment malveillante... Je ne mêle pas de cette question .. Par pitié ne colportez pas ce genre de fausse information.. Merci cordialement Gérard Holtz".
En revanche, ni Muriel Mayette ni Eric de Chassey n'ont apporté lundi de commentaires.

Consulter les fiches biographiques :
- Nicolas Bourriaud
- Eric de Chassey

Légendes Photos :
Gérard Holtz participant au Tour Auto Historique 2011 © Photo ThierryCollard - 2011 - Licence CC BY-SA 4.0

Manuel Valls au meeting de François Hollande à Toulouse, le 3 mai 2012 © Photo auteur - Licence CC BY-SA 3.0

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